La Fin de Fausta
vacilla sur ses jambes et s’abattit avec un hennissement de douleur. Le coup, d’ailleurs, ne donna pas les résultats qu’elle en attendait. Valvert était trop bon cavalier pour se laisser surprendre ainsi. Il était retombé sur ses pieds. Et ce fut à la pointe de l’épée qu’il reçut ceux qui revenaient à la charge en poussant déjà des clameurs de triomphe.
Pour comble de malchance, le paysan – persuadé qu’on voulait lui voler ses chevaux – tomba sur eux, par derrière, à coups de fourche. Et pendant ce temps, Landry Coquenard, de son côté, continuait à manœuvrer son cheval avec une adresse et une habileté qui révélaient en lui un écuyer consommé, et réussissait à tenir les agresseurs à distance.
Le petit roi regardait la lutte épique avec des yeux étincelants. Vitry et Luynes le sentaient transporté d’enthousiasme, possédé de l’envie folle de se précipiter lui-même au milieu de la mêlée. Et ils le surveillaient de près, bien résolus à ne pas lui laisser commettre une imprudence pareille. Par bonheur, le roi sut se maîtriser. Et il donna enfin l’ordre attendu :
– Allez, Vitry.
Vitry s’avança avec insouciance, en tapotant son mollet de la canne qu’il tenait à la main. Il était brave, c’est incontestable. Et puis, pour tout dire, il pensait avoir affaire à des détrousseurs qui prendraient la fuite à sa première sommation. Au reste, cette erreur était partagée par le roi et par les quatre gardes, lesquels n’avaient même pas daigné sortir l’épée du fourreau, et lui emboîtaient le pas, raides comme à la parade.
– De par le roi, cria Vitry d’une voix rude, impérieuse, bas les armes, tous !
L’ordre ne produisit pas l’effet attendu. Fausta, qui peut-être n’avait pas entendu, continua de s’escrimer de plus belle. Et ses hommes suivirent l’exemple qu’elle leur donnait. Cependant ils avaient entendu, eux, car, parmi eux, une voix rocailleuse répondit :
– De par le diable, au large, ou gare à ta peau !
Cette insolente réplique laissa Vitry un instant sans voix. En même temps, elle éclaira le roi, qui se dit :
– Oh ! ce ne sont pas là de vulgaires détrousseurs de nuit !… Il ne faut pas les laisser échapper !…
– Qui donc, ici, est assez osé que de résister a un ordre du roi !
– Le roi ! s’exclama Fausta.
Cette fois, elle avait entendu, elle avait reconnu la voix de Louis XIII. Son premier mouvement, tout irréfléchi, fut de reculer de deux pas, en abaissant son fer. Ses hommes, qui l’imitaient en tout, reculèrent comme elle, répétèrent avec un effarement indicible :
– Le roi !…
– Le roi ! s’écria Valvert.
Et lui aussi il recula. Lui aussi, il abaissa la pointe de l’épée. Seulement il ne rengaina pas. Il savait, pour l’avoir vu à l’œuvre le matin même, de quoi était capable cet « enragé » qu’il soupçonnait de plus en plus d’être Fausta elle-même. Et il se tenait sur ses gardes. Et il surveillait tous ses mouvements avec une attention aiguë.
Le roi crut que tout était dit, puisque, l’ayant reconnu, ils avaient reculé. Sa colère tomba. Et, froidement :
– Vitry, saisissez-moi ces rebelles, et conduisez-les au corps de garde, ici près… Demain, quand il fera jour, nous verrons à qui nous avons affaire.
Et sans plus s’en occuper, il se tourna vers Valvert et, gracieusement :
– Bonsoir, comte.
– Sire, j’ai l’honneur de présenter mes très humbles respects à Votre Majesté, répondit Valvert en se courbant.
– Ca, fit Louis XIII, posant sans plus tarder la question qui lui démangeait le bout de la langue, que nous apportez-vous de si précieux, dans ce chariot que vous avez si vaillamment défendu ?
– De la poudre, sire, sourit Valvert.
– De la poudre ! s’écria le roi avec un accent où l’on sentait comme une déception.
Et tranquillement, comme s’il se trouvait dans son cabinet, entouré de ses familiers et de ses gardes, il s’entretint à voix basse avec Valvert qui, devinant sa déception, se hâta de lui révéler ce que contenaient réellement ces soi-disant tonneaux de poudre.
Fausta, sous le coup de la surprise, avait reculé malgré elle. Tout de suite elle se ressaisit. Et cette pensée, comme un éclair éblouissant, illumina son cerveau sans cesse actif :
– Le roi !… seul… ou à peu près… sur ce quai désert !… A portée de ma main !… Ah !… puisque le
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