La Fin de Fausta
voix altérée de d’Albaran.
Encore un silence très bref. Fausta, sans doute, dévisageait son dogue. Et, avec une grande douceur :
– Qu’as-tu donc ?… Tu parais singulièrement agité ?…
– Je suis inquiet, madame !… Horriblement inquiet ! éclata le colosse.
– Voyons, parle… Dis-moi ce qui t’inquiète, mon fidèle serviteur, autorisa Fausta avec la même ineffable douceur.
– Eh bien, voilà, madame !… Vous passez la nuit au couvent… Moi, je vous accompagne jusque chez l’abbesse, M me de Beauvilliers, et je m’en vais, je retourne à Paris… Demain matin, je reviens ici en passant par la carrière de la fontaine du But… Vous, vous y venez par le souterrain, amenant l’enfant et sa nourrice… Tout cela est très bien… M. de Pardaillan arrive, vous lui remettez l’enfant, qui s’en va avec sa nourrice… Et M. de Pardaillan reste avec vous… Ceci ne va plus !… Ceci me paraît tellement extraordinaire que je ne puis y croire… Ce que je crois, madame, c’est que lorsque vous lui aurez remis l’enfant, M. de Pardaillan s’en ira avec lui et vous échappera.
– Pardaillan ne s’en ira pas après le départ de l’enfant. Il restera… Et c’est lui qui demandera à rester… Comment ?… C’est mon affaire…
Mais je t’affirme qu’il en sera ainsi : Pardaillan restera, non parce que je le lui demanderai, mais parce qu’il lui plaira de rester.
Elle disait cela avec un accent de conviction tel que d’Albaran s’inclina :
– Soit, M. de Pardaillan restera, puisque vous le dites !… Je continue madame. A onze heures moins quelques minutes, vous partez. Vous retournez au couvent par le souterrain. Je comprends que ceci est nécessaire : vous êtes entrée au couvent au su et au vu de tout le monde, vous y avez passé la nuit, vous voulez, vous devez en sortir également au su et au vu de tout le monde. C’est une précaution nécessaire, je le comprends… Vous partez… Et M. de Pardaillan reste seul, enfermé dans la maison… Ceci encore passe mon imagination…
– Il restera seul, après mon départ ! affirma Fausta avec la même force.
– J’admets encore ceci, et j’achève, madame : A onze heures précises, pas une minute plus tôt, pas une minute plus tard, j’arrive, je mets le feu à la mine, je me sauve… et tout saute, tout flambe… Eh bien, madame, c’est ceci qui m’épouvante. Et si vous n’êtes pas partie ?… Si vous êtes encore avec M. de Pardaillan à ce moment ?… C’est donc moi qui vous aurai tuée ?… Rien que de penser à cette chose affreuse, madame, je sens la folie envahir mon cerveau !…
– Tu te crées des craintes chimériques, mon pauvre d’Albaran !… Je t’assure que je m’en irai à la minute que je me suis fixée.
– Est-ce qu’on peut savoir !… Un incident, un rien imprévu peut vous retarder ! Une minute, une seconde, et cela suffit pour que l’irréparable s’accomplisse !
– Eh bien, je veux te tranquilliser autant qu’il sera en mon pouvoir. Ecoute : je laisserai la porte du souterrain ouverte derrière moi. Toi, tu viendras ici non plus à onze heures, mais à onze heures moins dix. Tu entends, onze heures moins dix. Tu entreras. Tu regarderas. Tu verras cette porte ouverte. Cela voudra dire que je suis encore en haut, avec Pardaillan. Tu retourneras à la grotte et tu attendras dix minutes : Ces dix minutes écoulées, tu reviendras. Tu trouveras alors la porte fermée.
– Et si elle ne l’était pas ?
– Elle sera fermée, répéta Fausta sur un ton qui interdisait toute discussion. Tu seras sûr alors que je suis partie à l’abri. Et tu pourras agir sans inquiétude pour moi, en possession du sang-froid nécessaire pour accomplir une besogne où tu risques ta vie, ne l’oublie pas. Es-tu plus tranquille ainsi ?
– Je serais bien plus tranquille si vous me permettiez de venir ici en même temps que vous. Et ce serait bien plus simple.
– Tu me l’as déjà dit. Et je t’ai répondu : j’ai promis à Pardaillan que je viendrais seule. Pour rien au monde, et quand même je devrais y perdre la vie, je ne voudrais manquer à une promesse faite à Pardaillan… Les choses sont bien ainsi que je les ai arrangées. N’en parlons plus. Ceci était prononcé sur un ton qui ne souffrait aucune réplique.
– Que votre volonté soit faite, murmura le colosse.
– Partons, trancha Fausta.
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Chapitre 33 LE MARIAGE DE
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