La Fin de Fausta
plus l’occasion d’intervenir. Ils firent comme lui : ils s’écartèrent. Mais ils ne le perdirent pas de vue pour cela et, pendant que Rospignac se rapprochait de son maître, les quatre autres continuèrent à le surveiller du coin de l’œil, sans que rien dans son attitude indiquât s’il s’était aperçu de l’étroite surveillance qu’ils exerçaient sur lui.
Sur l’estrade, la régente, en grand habit de gala, couverte de pierreries, avait un air de grandeur et de majesté qui la faisait ressembler à quelque déesse descendue de l’Olympe. Sous son air imposant, elle ne laissait pas que d’être un peu inquiète. Cette inquiétude lui venait du roi, son fils. Nous avons dit qu’elle s’était prise d’une amitié ardente pour Fausta qui l’avait éblouie, conquise. Elle craignait que l’accueil du roi, s’il s’en tenait strictement au cérémonial minutieusement réglé d’avance, ne parût un peu froid à sa nouvelle amie.
Elle avait tort de s’inquiéter. La prodigieuse beauté de Fausta agissait déjà sur le roi qui, pourtant, toute sa vie, devait se montrer si chaste et si réservé avec les femmes, si différent en cela de son glorieux père, le Vert-Galant. Sous son air de nonchalante indifférence, il la dévorait du regard. Mais comme il connaissait déjà, à fond, l’art de se composer un visage impénétrable, sur le masque qu’il s’était appliqué, rien ne paraissait de ses impressions intimes. Et il avait soin de cligner des yeux pour qu’on ne remarquât pas l’attention soutenue qu’il accordait à Fausta.
Cependant Fausta, Concini et Cardenas étaient venus s’arrêter au pied de l’estrade. Tous les trois, ils plongèrent dans de longues et savantes révérences. Et Concini, à demi courbé, de sa voix chantante, un peu zézayante, mais qui fut entendue d’un bout à l’autre de la vaste salle, prononça :
– J’ai l’insigne honneur de présenter à Vos Majestés Son Altesse la princesse souveraine d’Avila, duchesse de Sorrientès, envoyée extraordinaire de Sa Majesté catholique le roi d’Espagne.
Après lui, Cardenas, l’ambassadeur ordinaire, redressé en une attitude fière qui sentait bien son Espagnol, en français, sans le moindre accent, prononça d’une voix forte :
– Sire, j’ai l’honneur de remettre à Votre Majesté les lettres patentes de mon très gracieux souverain, accréditant auprès de votre royale personne, en qualité d’envoyée extraordinaire, Son Altesse M me la duchesse de Sorrientès, ici présente.
Les lettres furent remises non pas au roi, mais au chancelier, lequel, entouré de ses ministres, s’était porté au pied de l’estrade en même temps qu’y arrivait l’ambassadrice. Après quoi, le roi, la régente et Fausta récitèrent gravement les paroles qu’il avait été entendu que chacun d’eux débiterait.
La partie protocolaire de la cérémonie se trouva ainsi terminée. Avec elle finissait le rôle des illustres acteurs qui reprenaient possession d’eux-mêmes. Le roi pouvait s’en tenir là. Et c’était ce que craignait sa mère. Mais le charme captivant de Fausta, la douceur pénétrante de sa voix, qui enveloppait comme une caresse, avaient achevé la conquête commencée par sa prestigieuse beauté. Il se leva, descendit de son estrade, se découvrit galamment et, s’inclinant avec une grâce que son extrême jeunesse faisait paraître plus charmante encore, il lui prit la main qu’il effleura respectueusement du bout des lèvres, en disant :
– Madame, il nous est particulièrement agréable que vous ayez été choisie pour représenter notre bon frère d’Espagne près de notre personne. Prenez note, je vous prie, que c’est toujours avec le plus grand plaisir que nous vous verrons dans cette maison royale que nous vous prions de considérer comme la vôtre.
Ces dernières paroles produisirent une sensation énorme. Jamais accueil aussi flatteur n’avait été fait à aucun ambassadeur. Marie de Médicis n’aurait jamais osé espérer que son fils, d’humeur plutôt morose, d’abord plutôt froid, très réservé, comme le sont en général les timides, pousserait la gracieuseté jusqu’à prier sa nouvelle amie de se considérer comme chez elle au Louvre. Aussi, elle se montrait plus radieuse que Fausta. Et en descendant de l’estrade, elle remerciait son fils du regard et du sourire.
Fausta, elle, montrait ce calme immuable qui avait on ne sait quoi
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