La Fin de Fausta
d’esquisser, c’était le spectacle destiné à la ville. Et nous devons dire que les Parisiens furent unanimes à se déclarer enchantés. Le spectacle destiné à la cour ne devait le céder en rien à celui de la rue. Bien au contraire.
Dans le cadre somptueux de la salle du trône, toute la cour se trouvait rassemblée. Les deux cours, devrions-nous dire : celle de Marie de Médicis, qui était la grande, la vraie, et celle du petit roi, plus modeste, plus effacée en temps ordinaire. Une foule brillante et bruissante était là. L’or, la soie, le satin, le velours, le brocart, les diamants, les perles, les plumes, les éclatants coloris des costumes des hommes et des robes des femmes, l’harmonieuse diversité des couleurs, tout cela formait un de ces tableaux magiques dont la froide monotonie de nos réceptions officielles, même celles dites « les plus brillantes », ne peut donner la moindre idée, même très lointaine et très affaiblie.
Sur une estrade recouverte d’un tapis fleurdelisé, surmonté d’un dais de velours également fleurdelisé, deux fauteuils, deux trônes. Dans l’un de ces fauteuils, le jeune roi, le collier de ses ordres au cou. Dans l’autre, la reine régente, sa mère.
Aussi près de l’estrade que le permet l’étiquette, deux groupes bien distincts, l’un du côte du roi, l’autre du côté de Marie de Médicis. Ce sont les intimes, les confidents. Du côté du roi : Luynes, qui n’était encore que le grand fauconnier et pas encore duc ; Ornano, colonel des corses ; le duc de Bellegarde, le vieux marquis de Souvré, gouverneur du roi ; le jeune marquis de Montpouillan, fils du marquis de La Force et le rival le plus redoutable de Luynes dans la faveur royale qu’ils se partageaient pour l’instant.
Tous ceux-là étaient des ennemis personnels et acharnés de Concini.
Du côté de Marie de Médicis : Léonora Galigaï, sombre et virile inspiratrice d’un esprit sans volonté, qu’elle conduit à sa guise, pour le plus grand profit et la plus grande gloire de son Concinetto ; Claude Barbin, surintendant des finances ; le marquis de Thémines et son fils, le comte de Lauzières, enfin le seigneur de Châteauvieux, ce vieux galantin que nous avons entrevu a la Bastille, dont il était le gouverneur.
Ces deux groupes, sous des sourires de parade, se surveillaient de près, avec une attention soupçonneuse, inquiète.
Le chancelier, les ministres, les maréchaux, les plus hauts magistrats du Parlement, les plus grands noms de l’aristocratie se trouvaient là. Les Lorrains étaient représentés par le duc de Mayenne, gouverneur de Paris et de l’Ile-de-France. Mais on n’y voyait pas les Guise, ni le prince de Condé, ni le duc de Vendôme, ni le comte de Soissons. On ne s’en étonnait pas ; on savait qu’ils boudaient la cour en ce moment et qu’ils s’étaient retirés dans leurs terres ou gouvernements qu’ils s’efforçaient de soulever, selon une habitude contractée depuis la mort d’Henri IV. Habitude des plus profitables pour eux, d’ailleurs, car chaque fois ils se faisaient payer leur soumission à beaux deniers comptants par le gouvernement faible et timoré de la régente.
Enfin, les gardes, la pique à la main, raides dans leurs somptueux uniformes, pareils à des statues vivantes, sous le commandement du marquis de Vitry, leur capitaine.
Il va sans dire que Concini était là. Il aurait pu y être en sa qualité de maréchal, puisqu’il était maréchal de France, tout comme Lesdiguières. Il aurait dû y être en qualité de premier gentilhomme de la chambre. Il s’y trouvait en maître, puisque, de par la volonté de la reine régente, dans ce Louvre royal comme dans tout le royaume, il était plus maître que le maître, ce petit roi à qui pourtant, il témoignait un respect démesuré. Et, en cette qualité de maître, il se prodiguait, il était partout, avait l’œil à tout, tranchait sur tout en cette pompeuse cérémonie, dont il avait réglé lui-même les moindres détails, de concert avec Fausta.
Cependant, il n’avait pas négligé de prendre des précautions pour sa sécurité personnelle. Et Rospignac, qui était son capitaine des gardes, à lui, était présent. Avec Rospignac, ses quatre lieutenants : Eynaus ; Longval, Roquetaille et Louvignac. Ils ne quittaient pas un instant leur maître des yeux. Et, discrètement, sans en avoir l’air, sans l’approcher de trop près, ils le suivaient dans
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