La Fin de Fausta
Montpouillan. Ils attendaient, non sans impatience, que le roi tournât la tête de leur côté et leur fît signe d’approcher. Mais comme le roi paraissait les avoir oubliés, ils n’osaient pas bouger et avaient recours à toutes sortes de petites ruses pour attirer son attention sur eux. En pure perte, d’ailleurs.
A la gauche de Pardaillan, assez loin de lui, sans qu’il parût les voir, Louvignac, Eynaus, Roquetaille et Longval s’entretenaient à voix basse, dans l’embrasure d’une fenêtre. Ils continuaient leur surveillance.
Concini s’était éclipsé discrètement un instant très court. Mais comme Rospignac avait disparu en même temps que lui, nous pouvons en conclure que le marquis ne s’était absenté un moment que pour donner des ordres à son capitaine. Et nous ne pensons pas nous tromper en disant qu’il est probable que ces ordres visaient Pardaillan et Valvert. Quoi qu’il en soit, si Concini ne devait pas tarder à revenir dans la salle du trône, Rospignac, lui, devait demeurer plus longtemps absent.
A l’autre extrémité de l’estrade, du côté opposé à celui où se tenait Pardaillan, la reine, Fausta et Léonora derrière la reine s’étaient groupées. Tous les courtisans, hommes et femmes, défilaient là, accablant Fausta de compliments et de protestations. Elle accueillait ces hommages avec cet air majestueux que nous lui connaissons, qu’elle adoucissait cependant par ce sourire d’un charme inexprimable qui la faisait irrésistible. Et rien, dans son attitude, qu’elle savait rendre si bienveillante, n’indiquait qu’elle savait très bien à quoi s’en tenir sur le désintéressement de ces protestations d’amitié et de dévouement qu’on lui prodiguait.
Et c’était ce spectacle-là que le petit roi, solitaire et oublié de tous, s’amusait à contempler.
Ajoutons que, malgré l’attention qu’il lui fallait accorder à tous ces différents personnages avec lesquels elle échangeait quelques paroles, aux compliments desquels il lui fallait répondre, Fausta, malgré tout, trouvait moyen, de temps en temps, de lancer un coup d’œil sur Pardaillan.
Nous avons vu qu’il avait signalé à l’attention de Valvert un de ces regards qu’il avait surpris et qui paraissait le narguer.
Concini était revenu.
Calme, orgueilleux, la lèvre retroussée par un sourire dédaigneux, il se carrait d’un air insolent au milieu de ce groupe. Et il avait vraiment l’air d’être le maître de la maison. Et comme c’était lui qui avait présenté la duchesse de Sorrientès, avec laquelle il paraissait au mieux, comme Marie de Médicis – qui lui attribuait le succès triomphal de Fausta – lui témoignait sa reconnaissance en lui prodiguant les prévenances et les attentions, comme il était manifeste que sa faveur grandissait sans cesse et paraissait indéracinable, il en résultait qu’on tourbillonnait autour de lui, tout autant qu’autour de la reine et de Fausta. Et il fallait voir de quel air négligent de potentat, qui estime que tout lui est dû, il accueillait les hommages et les flagorneries dont on l’accueillait.
Cependant, si occupé qu’il fût, si sûr de lui qu’il parût, comme Fausta, il ne pouvait s’empêcher de jeter fréquemment un coup d’œil furtif du côté de Pardaillan.
Le roi ne remarqua pas tout de suite sa présence : toute son attention était concentrée sur Fausta qui avait su le flatter habilement et qui avait produit une impression très vive sur son imagination d’enfant. Hâtons-nous d’ajouter que nous n’entendons nullement insinuer par là qu’il était en train d’en devenir amoureux. Non, il était trop jeune et il devait prouver plus tard qu’il était loin d’avoir hérité du tempérament si facilement inflammable de son père. Il subissait le charme tout-puissant qui émanait de Fausta, comme il subissait sa mère. Et cela n’allait pas plus loin.
Il arriva pourtant un moment où il fut las de contempler et d’admirer Fausta. Son attention se détourna d’elle pour se porter sur son entourage. Et il aperçut Concini. Et il vit son insolent manège. Et alors…
Alors une lueur rouge s’alluma dans ses yeux. Alors une bouffée de sang empourpra son front. Alors il jeta les yeux autour de lui. Et il se vit tout seul, comme un intrus, contre cette estrade sur laquelle il trônait l’instant d’avant.
Alors il pâlit affreusement. Ses poings d’enfant se crispèrent furieusement. Ses
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