La Fin de Fausta
main. Alors, Valvert lança de nouveau son cri passionné, en agitant de plus belle son chapeau en l’air :
– Vive le roi ! Vive le roi, ventrebleu de ventrebleu !
Et ce « ventrebleu de ventrebleu » disait si clairement : « Ah çà ! vous êtes donc de glace, ici ? Qu’attendez-vous pour acclamer votre roi, ventrebleu ?… » que tous le comprirent ainsi. Le roi tout le premier, dont les lèvres se crispèrent amèrement.
Concini le comprit comme les autres. Et il se mordit les lèvres de dépit, de s’être ainsi laissé prévenir. Mais il n’hésita pas, il ne s’attarda pas, lui. Il ne perdit pas une seconde pour essayer de réparer la faute qu’il venait de commettre. Et fixant sur ses créatures un regard d’une éloquence criante, à pleine voix, il hurla :
– Vive le roi !
– Vive le roi ! rugirent aussitôt Roquetaille, Louvignac, Eynaus, Longval et d’autres.
Le branle était donné. Personne ne voulut demeurer en reste. Et une immense acclamation monta, s’enfla, éclata, se répandit en volutes sonores dans la vaste salle :
– Vive le roi !… Vive le roi !…
Jamais encore le petit roi ne s’était vu pareillement acclamé. Il vécut quelques secondes d’une ivresse infiniment douce, dont il ne devait jamais perdre le souvenir. Et son regard brillait, ses lèvres souriaient, il était franchement, puérilement heureux, comme il ne l’avait jamais été depuis qu’il portait ce titre de roi dont il n’exerçait pas encore le pouvoir. Et il remercia du sourire, du geste, de la voix :
– Merci, messieurs.
Et il se retourna tout d’une pièce : sa gratitude n’oubliait pas celui à qui il était redevable d’un des moments les plus doux de sa morne existence. Il estimait qu’il lui devait bien un remerciement particulier, à celui-là. Et il cherchait Odet de Valvert des yeux.
Il était toujours à la même place, près d’une porte. Il ne s’agitait plus. Il tenait les bras croisés sur sa large poitrine. Sur la foule des courtisans dont l’enthousiasme, simulé ou réel, commençait à se calmer, il promenait un regard qui exprimait plutôt la déception que l’admiration. Et il avait aux lèvres un de ces sourires railleurs, un peu dédaigneux, qui rappelaient si bien les sourires de son maître, Pardaillan.
Sur son visage expressif, ses impressions, surtout en ce moment où il pensait que nul ne s’occupait du petit personnage qu’il était, se pouvaient lire comme en un livre ouvert. Et force nous est de dire que ces impressions ne paraissaient pas précisément favorables à cette cour, qu’il observait, et où il mettait le pied pour la première fois.
Cependant, si absorbé qu’il parût, il vit fort bien que le roi et Pardaillan s’étaient de nouveau tournés vers lui. Et il répondit par un salut profond et respectueux au geste amical que, pour la deuxième fois en quelques minutes, le roi daignait lui adresser.
– Il me paraît, fit le roi en se retournant, que notre cour n’a pas eu l’heur de plaire au comte de Valvert.
Et naïvement, avec une pointe de dépit :
– Que s’attendait-il donc à voir ? Il me semble qu’il est impossible de rêver cour plus brillante que la nôtre.
– C’est vrai, Sire, répondit Pardaillan qui nota que le roi se souvenait du nom de Valvert, il est en effet impossible de rêver assemblée plus éblouissante que la cour de France. Et vous pouvez être sûr que, sous ce rapport, le comte de Valvert lui rend pleine et entière justice. Mais le comte est un de ces esprits lucides qui ne se contentent pas d’admirer aveuglément des dehors brillants, mais qui cherchent à voir ce qui se cache sous ces dehors brillants. Et comme il sait voir, ce qui n’est pas donné à tout le monde, croyez-le bien, il arrive souvent qu’il découvre des choses assez laides. La déception du comte ne vient pas des « apparences » de la cour qui ne sauraient être plus étincelantes. Elle vient de ce qu’il a vu derrière ces apparences. Il est de fait, sire, que vous devez savoir mieux que personne quelles laideurs on trouverait ici, si quelque magicien, d’un coup de sa baguette, faisait tomber tous ces masques charmants qui nous entourent.
– Ah ! fit le roi, rêveur, je n’avais pas envisagé la chose sous ce jour-là !… Et s’il en est ainsi que vous dites, je comprends la désillusion du comte. Mais, dites-moi, vous paraissez le connaître particulièrement.
– Je l’ai
Weitere Kostenlose Bücher