La Fin de Fausta
revenait pour rendre compte de sa mission. En effet, sans attendre d’être interrogé, le baron s’empressa de renseigner :
– C’est fait, monseigneur : les deux tranche-montagnes ne sortiront pas du palais, ils seront arrêtés avant.
– Non pas,
corbacco !
protesta vivement Concini, il ne s’agit plus d’arrestation.
Et laissant éclater sa rage qu’il avait dissimulée jusque-là :
– Je ne sais ce que ce vieil aventurier de Pardaillan a bien pu dire ou faire au roi, mais le fait est qu’il jouit présentement d’une faveur si grande que je crois prudent de renoncer à cette arrestation. Le roi serait capable de les faire remettre en liberté, ce qui fait que nous nous serions donné beaucoup de mal pour rien. Sans compter qu’il pourrait nous en cuire.
– Cornes du diable ! sacra Rospignac furieux et déçu, allez-vous donc les laisser aller, monseigneur ?
Et, avec un accent de regret indicible :
– Nous les tenions si bien.
– Rassure-toi, Rospignac, fit Concini avec un sourire livide, je renonce à une arrestation que le roi pourrait annuler d’un mot, mais je n’entends nullement les laisser aller pour cela.
– A la bonne heure, monseigneur !
– Voici ce que tu vas faire, dit Concini.
Et, faisant signe aux quatre lieutenants d’approcher :
– Ecoutez bien, messieurs : il ne faut rien entreprendre, ici, au Louvre. Dans l’état d’esprit où je vois qu’est le roi, c’est une imprudence qui pourrait nous coûter cher. Il faut donc les laisser sortir. Hors de la maison, ils ne peuvent aller que rue Saint-Honoré ou au quai, selon qu’ils tourneront à gauche ou à droite. Tu vas courir à l’hôtel, qui, heureusement est tout proche. Tu rassembleras tout notre monde. Y compris Stocco et ses hommes. Tu placeras les ordinaires rue Saint-Honoré, de manière qu’on ne puisse pas les voir du Louvre. Vous, messieurs, vous vous mettrez là, à la tête de vos dizaines. Stocco, avec une vingtaine de ses sacripants qu’il aura tôt fait de rassembler, se dissimulera sur le quai. S’ils vont rue Saint-Honoré, Stocco s’ébranlera et les suivra, de manière à les tenir entre deux feux. Il les suivra sans les attaquer. L’attaque ne devra être déclenchée que lorsqu’ils mettront le pied dans la rue Saint-Honoré. Ainsi, nous serons sûrs de les tenir.
– Compris, monseigneur, exulta Rospignac, s’ils se dirigent du côté du quai, ce sont mes hommes qui les suivront, et le résultat sera le même.
– Il faut tout prévoir, reprit Concini en approuvant de la tête. Vous, Louvignac, et vous, Roquetaille, vous vous tiendrez dans l’antichambre et vous surveillerez la sortie de nos deux gaillards.
Et, s’interrompant, d’une voix rude :
– Surtout, pas de provocation, pas de dispute, hein !
– Cependant, monseigneur, s’ils nous cherchent querelle, eux ?
– Vous vous déroberez, trancha Concini d’un ton impérieux. D’ailleurs, vous avez une excuse des plus honorables : on ne se bat pas dans une maison royale.
Et reprenant :
– Je vous place là pour vous assurer du chemin que suivront ces deux hommes. Vous les suivrez donc, discrètement. Si, par hasard, ils ne sortaient pas par la grande porte, par le chemin qu’ils suivront, vous verrez bien par quelle porte ils comptent sortir. Alors, vous les laisserez aller et vous courrez avertir l’un Rospignac, l’autre Stocco. C’est bien compris, n’est-ce pas ? Allez, messieurs. Rospignac, tu reviendras m’aviser, dès que tes dispositions seront prises, car je veux être là, moi aussi.
– Je serai de retour dans quelques minutes.
– Ah ! j’oubliais une chose qui a son importance. Il ne s’agit plus de les prendre vivants. Il faut les massacrer sur place et ne les lâcher qu’après s’être assuré qu’ils sont bien morts. Oui, ceci ne fait pas votre compte, mes braves louveteaux. Moi aussi j’enrage,
porco Dio !
d’être obligé de me contenter d’une si piètre vengeance ! Mais, que voulez-vous, l’attitude du roi m’inquiète. Et je ne veux pas courir le risque de les voir m’échapper une fois de plus pour avoir voulu être trop gourmand. Donc, messieurs, ne soyez pas plus exigeants que moi. Taillez, piquez, assommez, écrasez, mais tuez sans miséricorde. Allez, maintenant, et ne perdez pas un instant.
Là-dessus, Concini les quitta et revint prendre sa place au cercle de la reine.
Roquetaille et Louvignac, bâillant d’avance d’ennui,
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