La Fin de Fausta
allèrent prendre leur fastidieuse faction dans l’antichambre indiquée par leur maître.
Rospignac, suivi de Longval et d’Eynaus, se rua vers le logis de Concini. Il eut vite fait de rassembler ses hommes et d’avertir Stocco. Celui-ci, pour des besognes louches, commandées tantôt par Concini, tantôt par Léonora elle-même, avait toujours sous la main un certain nombre de gens de sac et de corde, qui ne reculaient devant aucune besogne, si terrible ou si vile qu’elle fût, pourvu qu’on y mît le prix. Il eut vite fait, de son côté, de rassembler une vingtaine de ces chenapans avec lesquels il alla se poster sur le quai, près du Petit-Bourbon.
Pendant ce temps, Rospignac amenait rue Saint-Honoré la troupe des « ordinaires » au complet : quarante et quelques hommes, en comptant les chefs dizainiers. Guidé par sa haine féroce qui lui faisait penser à tout, il trouva même moyen de réparer un oubli de son maître, oubli qui, cependant, était de nature à faire avorter complètement leur projet d’assassinat.
Il se rappela fort à propos, lui, que, presque en face l’entrée du Louvre se trouvait la rue du Petit-Bourbon. Cette rue du Petit-Bourbon aboutissait à la rue des Poulies et, tournant à droite, se poursuivait, sous ce même nom du Petit-Bourbon, jusqu’au quai de l’école. Ce n’est pas tout. Presque en face l’endroit où elle changeait de nom, c’est-à-dire rue des Poulies, s’ouvrait la rue des Fossés-Saint-Germain [3] . Pardaillan et Valvert – puisque c’était eux qu’on visait – pouvaient très bien prendre par cette rue du Petit-Bourbon. S’ils la continuaient jusqu’au quai de l’Ecole ou s’ils prenaient par la rue des Poulies, ils aboutissaient derrière ceux qui les guettaient et assez loin, pour être sûrs de ne pas être vus d’eux. S’ils continuaient par la rue des Fossés-Saint-Germain, c’était bien mieux encore, puisqu’ils pouvaient par là aboutir à la rue Saint-Denis.
Rospignac réfléchit à cela. Et il répara l’oubli de Concini, en plaçant à l’entrée de cette petite rue, par où le gibier qu’il chassait pouvait lui échapper, deux de ses hommes chargés de faire un signal convenu, s’il faisait mine de se glisser par là.
Ainsi qu’il l’avait dit à son maître, il ne lui fallut pas plus d’une quinzaine de minutes pour dresser une formidable embuscade qui semblait dirigée contre quelque fabuleux géant, et qui, en réalité, ne menaçait que deux hommes. Il est vrai que ces deux hommes étaient Pardaillan et Valvert.
Toutes ses dispositions prises, et bien prises, Rospignac, soulevé par une joie terrible, revint au Louvre et reprit le chemin de la salle du Trône, pour rendre compte à son maître, ainsi qu’il en avait reçu l’ordre. Le hasard voulut qu’il entrât dans cette salle, précisément par cette porte auprès de laquelle Odet de Valvert se tenait accoté, attendant, non sans impatience, que prît fin l’entretien de Pardaillan avec le roi.
Valvert était d’une humeur massacrante, parce qu’il n’avait pas pu parvenir à découvrir sa bien-aimée Florence. Il n’était venu au Louvre que dans l’espoir de la voir.
L’imagination aidant, cet espoir était même devenu une certitude : oui, ventrebleu, il la verrait, il lui parlerait. S’il avait raisonné un tant soit peu, il aurait facilement compris qu’il avait, au contraire, toutes les chances de ne pas la voir ce jour-là. Il n’était pas besoin d’être un logicien de première force pour comprendre que la reine, ou, à son défaut, les Concini auraient soin de la tenir enfermée pour que nul ne la vît, de même qu’ils prendraient toutes leurs précautions pour que l’on ne découvrît pas sa retraite.
Oui, s’il avait raisonné, il aurait compris cela. Sa déception alors eût été moins cruelle. Sa mauvaise humeur moins vive. Mais, allez donc demander à un amoureux de raisonner sainement. Non seulement Valvert n’avait pas raisonné, mais encore il s’était bercé de tout un tas d’espoirs qui ne s’étaient pas réalisés. En sorte que le coup avait été encore plus rude.
Par-dessus le marché, en s’en revenant déconfit et furieux, il avait trouvé son vieil ami Pardaillan avec le roi : Pardaillan, le seul de cette nombreuse et étincelante assemblée à qui il pouvait conter sa désillusion et, ne pouvant la voir, parler du moins de la bien-aimée. Sa mauvaise humeur s’était encore accrue de ce
Weitere Kostenlose Bücher