La Fin de Fausta
ennemis.
– Je ne vous abandonnerai pas, monsieur, promit le roi. Et, avec une pointe d’inquiétude :
– Mais…
Et il n’acheva pas sa pensée. Pardaillan la pénétra facilement, cette pensée. Tous ses amis qui le connaissaient depuis plus longtemps que le chevalier – ce qui ne veut pas dire qu’ils le connaissaient mieux – la devinaient pareillement : il voulait sincèrement ce que voulait Pardaillan. Il le voulait d’autant plus qu’il avait une confiance aveugle en lui, qu’il se savait réellement menacé et qu’il était absolument convaincu que seul il pouvait le sauver. Il comprenait à merveille que son propre intérêt lui commandait de sauver Valvert, dont Concini allait lui demander la tête. Ajoutez à cela que, personnellement, il n’en voulait nullement à Valvert. Au contraire. Au fond, il éprouvait une joie puérile, mais puissante, de l’humiliation qu’il venait d’infliger au favori détesté en la personne d’un de ses gentilshommes : car, qu’on ne s’y trompe pas, le coup de pied que Valvert venait de décocher atteignait plus Concini que Rospignac lui-même. Il n’avait certes pas réfléchi à cela. Il se sentait donc plutôt disposé à le récompenser qu’à le châtier.
D’où vient donc qu’il paraissait hésiter à faire une chose qu’il voulait de toutes ses forces ?
C’est que Louis XIII, enfant, commençait déjà à montrer cette indécision, cette faiblesse de caractère qu’il devait conserver toute sa vie, et qui devait faire de lui un instrument, pas toujours soumis, entre les mains puissantes d’une volonté implacable comme celle de Richelieu. Il le savait. Il savait que s’il commettait l’imprudence d’entrer en discussion avec Concini, Concini, plus énergique, plus tenace, d’ailleurs fortement appuyé par la reine, qui, elle-même, ferait sonner bien haut son autorité de régente, il finirait par céder, comme, quelques instants plus tôt, il avait reculé au moment où on pouvait croire que la disgrâce du favori était définitive. Voilà pourquoi il appréhendait si fort d’entrer en lutte avec Concini. Il l’appréhendait d’autant plus qu’il sentait bien que Concini, une fois par hasard, serait dans son droit, et qu’en bonne justice, comme il l’avait dit lui-même, sa demande de réprimer, comme il convenait, l’inqualifiable conduite de Valvert serait on ne peut plus légitime.
Pardaillan, qui, de son coup d’œil infaillible, avait jugé le roi, se disait en lui-même, assez irrévérencieusement :
« Je vois où le bât te blesse. Je vais te tirer cette épine du pied en prenant tout sur moi. J’ai de bonnes épaules, moi, heureusement. »
Et, tout haut, ayant trouvé du premier coup la seule solution qui convenait, il proposa :
– Le roi veut-il m’autoriser à répondre en son nom à M. d’Ancre ?
– Faites, autorisa le roi avec une vivacité qui attestait quel soulagement lui apportait l’offre qu’on lui faisait.
Pardaillan eut un imperceptible sourire. Et rivant son œil clair sur le regard du roi, comme s’il voulait lui communiquer un peu de sa force et de sa puissance de volonté :
– Je parlerai donc au nom du roi. Et, précisant sa pensée :
– Ce qui veut dire que le roi ne pourra me désavouer, sans se désavouer lui-même.
– Soyez tranquille, monsieur, je confirmerai tout ce que vous direz pour moi.
Ceci était dit avec une énergie qui prouvait qu’on pouvait compter sur lui. Dès l’instant qu’il se sentait abrité derrière une volonté qu’il savait de force à faire plier la volonté de Concini, il retrouvait toute son assurance. Pardaillan sourit, satisfait.
A ce moment, Concini d’un côté, Valvert de l’autre entraient dans le cercle du roi. Valvert, encore sous le coup de l’émotion pénible qu’avait produite en lui le jugement peu flatteur, mais qu’il reconnaissait loyalement mérité, émis par la reine sur son compte, Valvert allait prendre la parole, pour essayer de se justifier. Parler devant le roi, sans y être invité par lui, c’était aggraver une faute par une autre faute.
Pardaillan devina son intention. D’un coup d’œil d’une éloquence irrésistible, il lui ferma la bouche.
D’ailleurs, Concini parlait déjà. Cette faute que Valvert allait commettre, lui d’ordinaire strict observateur de l’étiquette, il la commettait sciemment. Mais il pouvait tout se permettre, lui. Il était très pâle, Concini. Un
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