La Fin de Fausta
eux.
– Messieurs, dit-il dans un grondement terrible, cent cinquante mille livres à qui me débarrassera de ces deux hommes, par n’importe quel moyen. J’ai dit cent cinquante mille livres, je précise : cinquante mille livres pour le jeune, cent mille pour le vieux. Allez.
Concini savait très bien que, tous, ils haïssaient de haine mortelle Pardaillan et Valvert. Mais il se disait, non sans raison, que l’appât du gain ne pouvait que les stimuler davantage. En effet, chacun prit avec lui deux ou trois de ses hommes, sur lesquels il croyait pouvoir compter plus particulièrement, parmi lesquels nous citerons : MM. de Bazorges, de Montréval, de Chalabre et de Pontrailles, et sans perdre un instant, ils se lancèrent à la poursuite de l’escorte qu’ils eurent bientôt fait de rattraper, attendu qu’elle allait toujours au pas. Ils étaient une quinzaine en tout, disséminés par petits groupes de deux ou trois.
Quant à Stocco, d’ordinaire, il ne frayait guère avec eux : il n’était pas gentilhomme, lui. Sans les attendre, sans même s’occuper d’eux, il avait, d’un signe, congédié ses sacripants et, le nez enfoui dans les plis de son manteau, les yeux luisant de cupidité, ébloui par les cent cinquante mille livres de récompense promises par Concini, qu’il espérait bien gagner, il avait pris les devants, tout seul.
L’escorte, ainsi suivie, arriva rue Saint-Denis. Pardaillan et Valvert continuaient d’habiter la maison du duc d’Angoulême ; elle leur convenait sous tous les rapports et, grâce à ses deux issues donnant sur deux rues différentes, elle constituait pour eux une retraite sûre. Il est de fait que, bien qu’ils ne se fussent nullement gênés pour sortir chaque fois qu’ils en avaient eu la fantaisie, bien que Landry Coquenard sortît tous les jours pour aller aux provisions et Gringaille pareillement, pour exercer sa surveillance autour de l’hôtel de Sorrientès, cette retraite, jusqu’à ce jour, n’avait été éventée par aucun des nombreux limiers lancés sur la piste.
On conçoit que Pardaillan ne se souciait guère d’amener là la demi-compagnie de gardes qui lui servaient d’escorte : c’eût été se trahir bénévolement soi-même. Il ne voulait pas davantage les amener au
Grand Passe-Partout,
pour des raisons à lui. A Vitry qui lui demandait où il voulait être conduit, il avait tout bonnement indiqué l’auberge du
Lion d’Or,
rue Saint-Denis, à l’angle de la rue de la Cossonnerie : le logement que Valvert occupait rue de la Cossonnerie, bien que complètement indépendant de l’auberge, appartenait au patron de cette auberge.
Ce fut donc devant le perron du
Lion d’Or
que toute la troupe vint s’arrêter. Ce qui, naturellement, eut pour résultat de faire se ruer sur ce perron l’hôtelier vaguement inquiet, suivi de ses garçons et de ses servantes, aussi inquiets que lui, et d’arrêter un instant la circulation, une foule de badauds s’étant immédiatement clouée sur place, pour voir ce qui allait se passer. Sans compter les fenêtres des alentours qui, comme par enchantement, se garnirent de curieux.
Les soldats se rangèrent en bataille et présentèrent les armes, comme ils avaient fait à la porte du Louvre. Leur chef, comme il était d’usage, échangea force politesses avec ses deux compagnons. Après quoi, Pardaillan et Valvert mirent pied à terre, franchirent les marches et s’arrêtèrent au haut du perron. Mais voyant que Vitry, rigide observateur de la consigne, ne faisait pas mine de s’en aller, ils saluèrent une dernière fois d’un geste large et pénétrèrent dans la salle commune.
Quand il eut vu la porte de l’auberge se refermer sur eux, Vitry fit faire demi-tour à ses hommes et s’en retourna au Louvre, au pas, comme il était venu.
Jusqu’à ce jour, l’hôtelier avait considéré Valvert, son locataire, comme un assez mince personnage. Après ce qu’il venait de voir du haut de son perron, il n’était pas éloigné de le prendre pour un prince de sang déguisé. Aussi, sa toque blanche à la main, la trogne épanouie, il s’était précipité, multipliant les courbettes, prodiguant les « monseigneur ». Mais Pardaillan et Valvert traversèrent simplement la salle commune et, par une porte de derrière, gagnèrent l’allée de la maison du jeune homme.
– Que faisons-nous, monsieur ? s’informa Valvert quand ils furent là. Réintégrons-nous mon ancien
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