La Fin de Fausta
ce que nous avons de mieux à faire.
Tout en devisant de la sorte avec un calme, une présence d’esprit vraiment admirables dans leur situation, ils étaient parvenus à la grande porte qu’ils franchirent sans difficulté. Mais sitôt la porte franchie, ils s’arrêtèrent, cloués sur place par la stupeur. Que se passait-il ? Voici :
Dans la rue, face à la porte, sur deux rangs, cinquante gardes, à cheval, se tenaient immobiles, raides sur les selles, pareils à des statues équestres. En avant de ces hommes, seul, le capitaine des gardes, en personne, Vitry, le poing sur la hanche. Cet escadron formidable paraissait barrer la route. Et le pis est que Vitry et ses hommes semblaient être postés là pour eux, car, dès que le capitaine les eût aperçus, il lança un commandement bref. Et à ce commandement, toutes les épées, avec un ensemble et une précision remarquables, jaillirent des fourreaux et, sous le clair soleil, étincelèrent de mille feux.
Tel était le spectacle qui venait de clouer sur place Pardaillan et Valvert. Pardaillan fit entendre un long sifflement par quoi se traduisait son admiration. Et raillant :
– Une demi-compagnie de gardes, Vitry en personne, pour nous arrêter ! Peste, nous ne pouvons pas dire que Concini ne nous traite pas avec honneur !
– Que faisons-nous, monsieur ? demanda Valvert de son air tranquille. Je vous préviens que la main me démange furieusement.
– Minute, donc ! Vous êtes bien pressé de vous faire étriper !
– Avant de me faire étriper, j’espère bien en découdre quelques-uns !
Pardaillan réprima un sourire de contentement. Et, se hérissant tout à coup, de sa voix claironnante, il interpella :
– Holà ! monsieur de Vitry, nous arrêtons donc nos amis ? Vitry n’entendit pas. A cet instant précis, il tournait la tête vers ses hommes et, de sa voix de commandement, lançait :
– Présentez les armes !
– Et, tandis que Vitry mettait le chapeau à la main et se courbait sur l’encolure de son cheval, les gardes saluaient de l’épée, comme d’autres gardes là-haut, dans la salle du trône, avaient salué de leurs piques.
Ces honneurs militaires qu’on leur rendait, au moment même où ils s’attendaient à être arrêtés, leur causèrent un tel saisissement qu’ils furent un instant avant de se remettre, n’en pouvant croire leurs yeux. Ils se remirent vite pourtant et, se découvrant tous les deux dans un même geste large, ils rendirent leur politesse au capitaine et à ses soldats.
Son chapeau à la main, Vitry fit faire deux pas à son cheval et s’approcha de Pardaillan qui, le regard pétillant, le regardait venir. Et s’inclinant, la bouche fendue jusqu’aux oreilles par un large sourire, de son air le plus gracieux :
– Monsieur de Pardaillan, dit-il, le roi m’a donné l’ordre de vous faire rendre les honneurs et de vous escorter, vous et votre compagnie, jusqu’à votre logis. Je me mets donc à vos ordres.
– Monsieur de Vitry, répondit Pardaillan en rendant salut pour salut, sourire pour sourire, vous voudrez bien, je l’espère, dire à Sa Majesté combien je la remercie, et de tout mon cœur, de l’insigne honneur qu’elle veut bien me faire.
– Je n’y manquerai pas, monsieur, promit Vitry.
– Je vous rends mille grâces de votre obligeance, remercia sérieusement Pardaillan.
Et avec son sourire railleur :
– Quant au reste, vous pouvez considérer votre mission comme terminée : ma compagnie et moi, nous sommes de trop petits personnages pour avoir l’outrecuidance d’accepter l’escorte royale que vous voulez bien nous offrir.
– Ce n’est pas moi qui vous offre cette escorte royale, mais bien le roi. Ce qui n’est pas du tout la même chose. Moi, j’obéis en soldat, à un ordre reçu. C’est tout. Or, le roi m’a ordonné de vous escorter jusqu’à votre logis. Je dois obéir.
Il avait l’air de ne pas vouloir en démordre, le digne capitaine. Cette insistance ramena dans l’esprit de Pardaillan les soupçons qui venaient de s’envoler. Et il gronda :
– Dites donc plutôt que vous êtes chargé de m’arrêter. Vitry vit qu’il se fâchait. Tout ahuri, il protesta :
– Sur mon honneur, monsieur, il n’est pas question d’arrestation. Pardaillan le vit très sincère. Il s’apaisa sur-le-champ. Et, de son air froid :
– Eh bien, monsieur, puisque vous êtes à mes ordres… Car vous avez bien dit, n’est-ce pas,
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