La Fin de Fausta
l’oreille au guet. Si bien que, dès le premier pas que Rospignac avait fait dans la rue, ils l’avaient aussitôt découvert et ils avaient été fixés.
Instantanément, ils avaient eu la rapière au poing et ils s’étaient arrêtés pour voir venir. A ce moment, la bande hurlante avait commencé l’exécution de sa manœuvre. Ils avaient très bien vu et très bien compris à quoi elle tendait. Ils n’étaient pas hommes à laisser faire sans se mettre un peu en travers. D’ailleurs, tous les deux savaient, par expérience, que dans une lutte inégale comme celle qu’ils allaient soutenir, la victoire appartient généralement à celui qui porte les premiers coups.
Ils se concertèrent d’un coup d’œil et, séance tenante, avec la rapidité de la foudre, ils passèrent à l’offensive : ils saisirent leurs épées par le milieu de la lame. Un bond démesuré les amena sur ceux qui se défilaient le long des maisons. D’un même geste extraordinairement vif, mais cependant méthodiquement exécuté, ils levèrent le bras et l’abattirent. Les deux lourds pommeaux de fer faisant office de massue tombèrent à toute volée, avec un bruit sourd, sur deux crânes qu’ils défoncèrent. Deux spadassins s’effondrèrent, assommés. Un autre bond prodigieux les ramena en arrière, au milieu de la chaussée. Ils n’y demeurèrent pas une seconde immobiles.
La moitié de la bande qui venait à eux l’épée haute était bien partie d’un élan égal. Mais, comme il arrive toujours en pareil cas, cet élan ne s’était pas maintenu égal jusqu’au bout. Ils étaient partis, huit, en rang serré. Les plus lestes ayant devancé les autres, ils se trouvèrent bientôt éparpillés.
Pardaillan et Valvert sautèrent sur les deux plus avancés. Une deuxième fois, les deux terribles pommeaux s’abattirent avec la rapidité de l’éclair. Deux autres spadassins s’écroulèrent, morts ou évanouis : c’étaient Louvignac et Eynaus.
Ils ne s’en tinrent pas là. Ils saisirent l’épée par la poignée et engagèrent le fer avant les deux premiers qui se présentèrent à eux. Il n’y eut même pas de passe d’armes : un froissement de fer violent, deux bras qui se détendent comme deux ressorts puissants, une fulguration d’acier… Et deux hommes qui s’affaissent, l’épaule traversée de part en part.
Ainsi, la véritable lutte n’était pas encore engagée, et déjà dix des estafiers de Rospignac se trouvaient hors de combat ! Et ceux qui avaient accompli ce prodigieux tour de force n’avaient même pas une écorchure.
Et cela s’était accompli avec une rapidité fantastique. Ces deux hommes semblaient disposer de vingt bras chacun, paraissant avoir le don de se trouver partout à la fois. On se ruait de ce côté-là : ils n’y étaient plus. Seulement, partout où ils avaient passé ainsi, un homme gisait dans une mare de sang.
La partie – pourtant si inégale – s’annonçait mal, très mal pour Rospignac. Dès l’instant où il avait engagé l’action, il avait retrouvé ce sang-froid qui l’avait abandonné jusque-là. Il jugea donc froidement la situation. Il la vit fortement compromise, non pas perdue encore. Il comprit aussi que, s’il laissait les hommes qui lui restaient s’éparpiller comme ils le faisaient, ils se feraient tous tuer inutilement les uns après les autres. D’un coup de sifflet, il commanda la manœuvre du rassemblement, en se disant qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Aussi maintenant, Pardaillan et Valvert se sentaient pressés de toutes parts. Ce n’étaient plus des combattants isolés qu’ils trouvaient devant eux, c’était un groupe compact qui les encerclait. A cet encerclement, ils opposèrent la seule manœuvre possible : ils se mirent dos à dos et se couvrirent par un moulinet vertigineux.
C’était la deuxième phase de la lutte qui commençait, le choc décisif, que l’extraordinaire vivacité de Pardaillan et de Valvert avait réussi à retarder jusque-là. Suivant la coutume, il fut accompagné des clameurs et des vociférations des assaillants qui s’entraînaient ainsi mutuellement.
Pardaillan et Valvert ne criaient pas, eux. Ils se tenaient dos à dos, solidement campés, les pieds comme vissés au sol, les mâchoires contractées, les yeux flamboyants. Ils n’attaquaient pas… pas encore, du moins, Toujours couverts par leur étincelant moulinet, ils attendaient qu’un jour se produisît dans
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