La Fin de Fausta
en trouver d’autres, au coin de la rue Saint-Honoré, que notre suite offusquera plus outrageusement encore. Concini, qui est déjà averti, n’en doutez pas, doit être fou de rage, à l’idée de voir avorter piteusement un guet-apens si bien préparé.
– Le fait est qu’il joue de malheur avec nous.
Pardaillan ne se trompait pas : Concini savait déjà que son coup était manqué. Roquetaille et Louvignac avaient suivi Pardaillan et Valvert jusque dans la rue, ils avaient entendu les paroles échangées entre le chevalier et le capitaine des gardes et, profitant de l’instant où Valvert et Vitry, que Pardaillan venait de présenter l’un à l’autre, échangeaient force salutations et compliments, ils avaient pris leurs jambes à leur cou et étaient accourus l’avertir de ce qui se passait.
En apprenant cette nouvelle, Concini, qui était déjà dans un état de fureur indicible, avait failli en étrangler de rage. S’il s’était agi d’une escorte ordinaire, nul doute que, se sentant en force, il n’eût pas hésité à tenter l’aventure quand même. Mais les gardes du roi, c’était une autre affaire ! Eussent-ils été dix fois moins nombreux que, tout grand favori et tout-puissant qu’il était, il ne pouvait, par une violence pareille, bafouer ainsi, publiquement, l’autorité royale. S’il s’était agi d’une mission ordinaire, il aurait encore pu, abusant de ses titres et de sa faveur, essayer d’intimider le commandant de l’escorte, lui imposer son autorité, se substituer à lui et lui faire faire ce qu’il voulait.
Cette manœuvre audacieuse, en l’occurrence, ne pouvait avoir aucune chance de succès : Vitry exécutait un ordre donné par le roi lui-même, il était clair que nulle pression n’aurait de prise sur lui, que ni prières, ni menaces ne l’empêcheraient d’accomplir jusqu’au bout sa mission. Or, sa mission était d’escorter Pardaillan et Valvert jusqu’à leur logis, et de ne les quitter qu’à la porte de ce logis et après s’être assuré qu’ils y étaient entrés sains et saufs.
Dans un éclair de lucidité, Concini comprit cela. Et il eut assez d’empire sur lui-même pour renoncer à un coup de folie qui, même pour lui, pouvait avoir des suites très graves. Et il fit signe à ses hommes de se tenir cois, de s’écarter, de laisser passer les gardes et ceux qu’ils escortaient, lesquels n’étaient plus qu’à quelques pas.
Pardaillan et Valvert passèrent, sans être inquiétés, au milieu des estafiers qui avaient été apostés là pour les meurtrir et qui, refoulant la fureur que leur causait cette cruelle déception, rongeant leur honte, durent s’effacer le long des maisons, céder le haut du pavé aux gens du roi. Ils passèrent devant Concini, dont le masque convulsé par la haine et la rage de l’impuissance était effrayant à voir.
Pourtant il n’émut pas Pardaillan, ce masque effrayant. Et de sa voix railleuse, en passant, il lui décocha en guise de consolation :
– Bah ! vous en serez quitte pour organiser un autre guet-apens, et peut-être serez-vous plus heureux cette fois.
Et, quelques pas plus loin, s’adressant à Valvert :
– Décidément, c’est une mauvaise bête que ce Concini !
– A qui le dites-vous, monsieur ! soupira le jeune homme. Et, avec une naïve franchise :
– Quel dommage que je sois obligé de le respecter ! J’avoue que j’éprouverais un plaisir tout particulier à lui faire avaler six pouces de mon fer !
– Oui, mais comme il est le père de votre bien-aimée, il vous faut renoncer à ce plaisir, tout particulier qu’il soit, observa Pardaillan de son air de pince-sans-rire.
Bien qu’il eût entendu, Vitry ne dit pas un mot. Mais le coup d’œil qu’il avait lancé, en passant, à Concini, et à ses ordinaires, et le sourire railleur qui, en ce moment, errait sous sa moustache, indiquaient qu’il avait parfaitement compris. Au surplus, peut-être en savait-il plus long qu’il ne voulait bien le dire.
q
Chapitre 13 CE QUI S’ENSUIVIT
D ès que le premier soldat de l’escorte fut passé, Concini, d’un geste impérieux, appela près de lui ses lieutenants qui, faute de mieux, déchargeaient leur bile en lançant d’effroyables bordées de jurons où tous les diables d’enfer étaient violemment pris à partie. Rospignac, Louvignac, Roquetaille, Eynaus et Longval vinrent à l’ordre. Stocco, qui arrivait sur ces entrefaites, se joignit à
Weitere Kostenlose Bücher