La Fin de Fausta
plutôt que de subir une troisième fois l’abominable correction qu’on lui promettait.
Pardaillan et Valvert s’étaient très bien aperçus que trois des acolytes de Rospignac louchaient à droite et à gauche d’une manière qui était on ne peut plus significative. Le chevalier eut pitié d’eux et, de sa voix railleuse, leur conseilla :
– Allons, sauvez votre peau, déguerpissez !
Tous ces coupe-jarrets étaient braves. C’est une justice qu’il faut leur rendre. Ceux-ci, qui grillaient d’envie de suivre le conseil qu’on leur donnait charitablement, hésitèrent un instant, ne se sentant pas la force d’abandonner lâchement leurs chefs. Ce que voyant, leurs adversaires les chargèrent avec une impétuosité telle qu’elle mit en déroute leurs derniers scrupules et qu’ils détalèrent comme des lièvres.
Les malheureux n’allèrent pas loin d’ailleurs. Tout de suite, ils tombèrent, pour ainsi dire, dans les bras de deux grands diables qui accouraient en poussant des hurlements qui n’avaient rien d’humain et en brandissant des manières de massues. Au milieu d’un vacarme épouvantable où l’on entendait tour à tour les braiments de l’âne, les miaulements du chat, les hurlements furieux du chien, les grognements du cochon, les deux massues s’abattirent en même temps à toute volée et deux des fuyards tombèrent assommés. Le troisième seul disparut, s’évapora, sans qu’on pût savoir par où il avait passé.
C’était la fin de l’effroyable lutte. Roquetaille et Longval, qui continuaient à s’escrimer bravement, ne pouvaient tenir longtemps, Rospignac le comprit. Il gronda :
– Que l’enfer t’engloutisse, démon ! Tu ne m’auras pas vivant ! Et il leva le poignard pour se frapper. Il n’eut pas le temps de le faire.
Au même instant, il sentit sur le crâne un choc tel qu’il lui sembla que le ciel venait de lui crouler sur la tête. Et il tomba comme une masse, le nez dans le ruisseau, pendant qu’une voix, qu’il n’entendit pas, lançait avec un accent méridional prononcé :
– Holà hé ! suppôts de truanderie, tournez-vous, millodious, qu’on voie un peu vos faces d’assassins !…
Ceci s’adressait à Longval et à Roquetaille. Ils n’eurent garde d’obéir, pour l’excellente raison qu’au même instant ils tombaient, presque en même temps, le crâne fracassé. Ce coup double mortel, exécuté avec une adresse et une rapidité rares, mettait fin au combat. Il fut salué par un hi han ! de triomphe.
C’étaient Landry Coquenard et Escargasse qui arrivaient ainsi au secours de leurs maîtres au moment où ceux-ci n’avaient plus besoin d’eux. Ce qui ne les avait pas empêchés d’abattre, avec une rapidité merveilleuse, une besogne sanglante là où leurs maîtres eussent probablement fait grâce.
C’était Escargasse, de retour à l’instant de la mystérieuse mission que lui avait confiée Pardaillan, et tout couvert encore de la poussière de la route qui, du pommeau de son épée, venait d’assommer à moitié Rospignac. Et ce faisant, sans le savoir, il l’avait sorti d’une manière honorable de la situation fâcheuse où il s’était mis.
C’était Landry Coquenard qui, avec une courte barre de fer, qu’il venait d’acheter précisément, qu’il tenait encore à la main, rouge de sang, venait d’abattre Roquetaille et Longval. On sait qu’il leur en voulait particulièrement, à ces deux-là. Il ne les avait pas manqués.
N’ayant plus de combattants devant eux, Pardaillan et Valvert avaient rengainé. Maintenant, ils contemplaient d’un air rêveur l’effroyable besogne qu’ils avaient accomplie. Quatorze corps étaient étendus sur la chaussée qu’ils avaient rougie de leur sang. Quatorze ! Et ils étaient quinze quand ils s’étaient rués sur eux en hurlant : A mort !
– Pauvres diables ! murmura Pardaillan avec un accent d’indicible tristesse.
– Ils ont voulu nous meurtrir lâchement, fit doucement Valvert, nous avons défendu notre peau, monsieur.
– Hélas ! oui.
– D’ailleurs, nous avons mesuré nos coups. Ils sont plus ou moins grièvement atteints, mais pas un ne l’est mortellement. Je gage qu’ils en réchapperont tous.
– Je vous réponds que ces deux-là sont bien trépassés, affirma Landry Coquenard.
Il désignait Roquetaille et Longval. Pardaillan et Valvert jetèrent un coup d’œil sur les deux corps étendus au milieu du ruisseau. Ils
Weitere Kostenlose Bücher