La Fin de Fausta
oublié de communiquer quelque détail important à son jeune ami et courait-il après lui pour réparer cet oubli.
Cependant, à force de galoper ainsi, il finit par apercevoir à quelques centaines de toises devant lui celui après qui il paraissait courir. Valvert s’en allait au petit trot. Landry Coquenard marchait familièrement à côté de lui. Quant à Escargasse et à Gringaille, ils n’étaient plus là.
Or, chose bizarre, au lieu de donner de l’éperon et de rattraper le jeune homme, ce qui lui eût été facile, Pardaillan fit prendre à son cheval une allure plus modérée et le mit au petit trot. Ce n’est pas tout : il avait le manteau flottant sur les épaules ; il ramena les pans sur le visage et enfonça le chapeau jusque sur les yeux. Ainsi Pardaillan qui, prétextant qu’il avait autre chose à faire, avait refusé d’accompagner Valvert dans une expédition préparée par lui et où il savait qu’il pouvait laisser sa vie, Pardaillan le suivait maintenant de loin et se cachait de lui, puisqu’il prenait la précaution de s’enfouir le visage dans le manteau.
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Chapitre 15 SUR LES BORDS DE LA SEINE
P uisque Pardaillan, pour des raisons à lui, que nous ne tarderons pas à connaître, sans doute, se contentait de suivre Valvert de loin, ce que nous avons de mieux à faire, c’est de le précéder et d’accompagner nous-mêmes le jeune homme.
Ainsi que nous le lui avons entendu dire, Valvert passa la Seine à Saint-Denis. Là, il quitta la route, descendit sur le chemin de halage qui suivait tous les contours de la rivière dont il se mit à remonter le cours, ce qui le ramenait vers Paris. Il s’était mis au pas, et Landry Coquenard le suivait à quatre pas. Ils avaient l’air de gens qui viennent de faire une promenade matinale et qui rentrent en flânant le long de la rivière.
Escargasse et Gringaille brillaient toujours par leur absence, et Valvert ne semblait nullement se préoccuper de cette absence. Il est certain qu’il savait ce qu’ils étaient devenus.
Quant à Pardaillan, il avait laissé son cheval dans une auberge à Saint-Denis. Il s’était lancé à travers les terres et, se dissimulant derrière haies et buissons, il allait d’un pas sûr, très allongé. Il ne suivait plus le jeune homme qui, certes, était loin de soupçonner la surveillance dont il était l’objet : il le précédait. Et, malgré les précautions qu’il lui fallait prendre pour se dissimuler, il avançait d’un pas si rapide que la distance qui le séparait de celui qu’il suivait quelques instants plus tôt augmentait sans cesse. D’ailleurs il lui était relativement facile de prendre cette avance parce que les deux cavaliers s’attardaient volontairement le plus qu’ils pouvaient.
Au bout d’un petit quart d’heure de cette promenade lente, sur le bord de la rivière, Odet de Valvert reconnut de loin la haute stature du gigantesque d’Albaran qui venait vers lui à petits pas, toujours suivi de ces deux serviteurs dont Gringaille avait dit qu’ils lui paraissaient « diablement solides ». Il tourna la tête et avertit Landry Coquenard.
– Attention, voici nos gens.
– Je les vois, monsieur, répondit Landry Coquenard sans s’émouvoir.
Ils continuèrent d’avancer, les deux petites troupes allant à la rencontre l’une de l’autre. Si Valvert qui, d’ailleurs, n’était venu en cet endroit que pour y rencontrer d’Albaran, l’avait facilement reconnu de loin à sa taille colossale, celui-ci, qui, en ce moment, était tout à sa mission et à mille lieues de songer à l’homme qu’il haïssait de haine mortelle depuis qu’il lui avait infligé cette insupportable humiliation de le rosser devant sa maîtresse, celui-ci ne reconnut pas tout d’abord le promeneur qui venait à sa rencontre, et n’y fit pas autrement attention.
Ce ne fut que lorsqu’ils furent assez près l’un de l’autre qu’il le reconnut. L’idée ne pouvait pas lui venir que Valvert le cherchait, lui, expressément. Il crut à un hasard. Un bienheureux hasard qui lui livrait son ennemi : car, du premier coup d’œil, il vit qu’il n’était suivi que d’un serviteur qui ne payait guère de mine, alors que lui, il avait avec lui deux hercules dont la force et la bravoure étaient éprouvées depuis longtemps. Ils étaient trois contre deux, et ils avaient chacun deux pistolets dans leurs fontes.
D’Albaran oublia qu’il était en mission commandée par Fausta qui
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