La Fin de Pardaillan
bonne fortune est échue. C’est pourquoi vous êtes et demeurerez éternellement, sans doute, la jeunesse et la beauté. C’est pourquoi vous avez gardé cette merveilleuse vigueur du corps et de l’esprit qui ignore la fatigue et vous permet d’entasser combinaison sur combinaison sans jamais vous lasser ni vous rebuter. Mais moi, madame !… Ah ! misère de moi, j’ai soixante-cinq ans, madame. Regardez-moi. Je suis vieux, fourbu, perclus de corps et d’esprit. Je suis usé, vidé, fini. Vous ne ferez qu’une bouchée de moi, je le sens bien… Et vous ne voulez pas que je dise que c’est fâcheux pour moi !…
En raillant ainsi, Pardaillan se montrait si beau de vigueur juvénile que Fausta et Charles d’Angoulême ne purent s’empêcher de l’admirer.
– Vous exagérez beaucoup, heureusement pour vous, dit Fausta. Et vous dites qu’il est indispensable que vous repreniez la lutte contre moi, comme autrefois ?
– Tout à fait indispensable, confirma Pardaillan, sur le même ton péremptoire.
Fausta demeura un instant rêveuse. Et se faisant subitement sérieuse :
– Voilà qui me confond, dit-elle. Autrefois, vous vous êtes mis contre moi. Vous m’avez même vaincue, vous avez ruiné de fond en comble toutes mes espérances… Je ne récrimine pas, chevalier, je rends hommage à votre valeur, voilà tout. (Pardaillan salua.) Je comprends que vous ayez agi comme vous avez fait. Je favorisais Guise, et vous, vous lui vouliez la malemort… Vous la lui vouliez si bien qu’après avoir ruiné toutes ses ambitions, vous avez fini par le tuer en loyal combat. Oui, je comprends cela… Aujourd’hui, je favorise M. le duc d’Angoulême… Le duc d’Angoulême qui est de vos amis, et des meilleurs. Et vous me dites qu’il est indispensable que vous vous mettiez contre moi, contre lui par conséquent, puisque je ne vise que la grandeur et la prospérité de sa maison. Cela, je ne le comprends plus.
– En résumé, sourit Pardaillan, vous me demandez quelles sont les raisons qui me mettent dans la nécessité de me dresser contre vous. Ces raisons sont multiples. Et je vais vous les développer les unes après les autres, au hasard, comme elles se présenteront à mon esprit.
– Je vous écoute, dit Fausta très attentive.
– Et d’abord, commença Pardaillan qui se fit sérieux comme elle, je prétends que vous ne visez nullement la grandeur et la prospérité du duc d’Angoulême. Ce que vous visez, c’est votre propre prospérité à vous, princesse Fausta.
– Voilà qui est particulier ! railla Fausta.
– Je vais vous le prouver, déclara gravement Pardaillan.
Et, se tournant vers d’Angoulême, jusque-là témoin muet, mais fort attentif de cet espèce de duel à coup de langue qui venait de s’engager devant lui :
– Monseigneur, tout à l’heure, j’ai entendu que vous vous engagiez d’avance à accorder à M me Fausta une chose qu’elle vous ferait connaître la veille de votre sacre. Voulez-vous, je vous prie, demander à madame de parler sur-le-champ ?
Emporté malgré lui, d’Angoulême se tourna vers Fausta.
– Vous entendez, madame ? dit-il.
– Duc, dit Fausta sur un ton qui n’admettait pas de réplique, je parlerai quand mon heure sera venue, pas avant.
– Je parlerai donc pour vous, dit tranquillement Pardaillan qui ajouta : si, toutefois, vous voulez bien le permettre, princesse.
Le sourire aigu qui accompagnait ces paroles disait si bien qu’il était résolu à se passer de la permission demandée, que Fausta se hâta d’autoriser :
– Vous savez bien, chevalier, que vous pouvez vous permettre tout ce que vous voulez.
– Mille grâces, madame, remercia Pardaillan. Et revenant à Charles d’Angoulême :
– La veille de votre sacre – c’est-à-dire quand vous croirez tenir la toute-puissance – ce jour-là seulement, M me Fausta vous dira : « Part à deux. Avant le sacre, une messe de mariage… le mariage de la princesse Fausta et du duc d’Angoulême… »
– Mais je suis marié ! interrompit Charles.
– C’est ce que vous direz à M me Fausta, voulez-vous dire ? Alors, M me Fausta sortira une bulle du pape cassant votre mariage actuel. Une bulle qu’elle obtiendra, n’en doutez pas, qu’elle a peut-être déjà obtenue.
– Mais j’aime toujours Violetta !…
– Direz-vous encore… M me Fausta vous démontrera clair comme le jour que l’amour est incompatible avec
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