La Fin de Pardaillan
approuvé de la tête par Marie de Médicis.
– Secondement, déclara Léonora, de l’interroger adroitement, à seule fin d’apprendre d’elle ce qu’elle sait au juste au sujet de sa famille.
– Elle sait que je suis son père, déclara Concini.
– Voilà qui est fâcheux, déplora Léonora en fronçant le sourcil. Qui lui a appris cela ?
– Ce misérable Landry, gronda Concini en levant furieusement les épaules.
Léonora réfléchit une seconde, et d’une voix tranchante :
– Si elle est aussi bien renseignée sur le compte de sa mère, comme nous ne savons pas si elle saura se taire, il me paraît impossible de la laisser vivre.
Et, se tournant vers Marie de Médicis, avec une froideur terrible :
– N’est-ce pas votre avis, madame ?
Marie avait bien peur de s’attirer un malheur en frappant de nouveau celle qu’un « miracle de Dieu avait sauvée ». Mais elle avait encore plus peur du scandale affreux qui jaillirait sur elle si cette enfant connaissait la vérité et si, la connaissant, elle ne savait pas garder sa langue. La crainte du péril matériel, immédiat, fut plus forte que la crainte superstitieuse. Cet avis qu’on lui demandait, elle le donna sans hésiter cette fois. Et ce fut une condamnation qu’elle laissa tomber.
– Il faudra bien en venir là, dit-elle. Je deviendrais folle s’il me fallait vivre avec une menace pareille suspendue sur ma tête.
Concini intervint encore.
– Elle ne sait rien au sujet de sa mère, dit-il avec une certaine vivacité.
– En êtes-vous sûr ? s’informa Léonora.
– Je suis sûr que Landry m’a nommé, mais n’a pas nommé la reine, affirma Concini sans hésiter.
Or, Concini mentait : il avait très bien entendu Landry Coquenard désigner Marie de Médicis comme étant la mère. Et au tressaillement qui avait agité la jeune fille, il avait fort bien compris qu’elle avait entendu. Cependant, il affirmait le contraire. Voulait-il donc sauver la jeune fille ? C’est certain. Pourquoi ? Etait-il enfin pris d’un remords tardif ? Peut-être… Ou peut-être que, tout simplement la crainte superstitieuse, chez lui, dominait toutes les autres.
– Ce Landry, insinua Léonora, peut l’avoir renseignée avant.
– Non. J’ai eu l’impression très nette qu’elle ne connaissait pas Landry, qu’elle le voyait pour la première fois. Pour moi, elle ne sait rien de plus que ce que j’ai dit.
– Souhaitons-le pour elle autant que pour nous, prononça Léonora qui ajouta :
– N’importe, il faudra s’assurer de ce qu’il en est au plus vite. Marie de Médicis se leva.
– Il faut que je rentre au Louvre, dit-elle.
– La reine emmène cette jeune fille avec elle ? demanda Léonora.
– Certes, fit vivement Marie, je tiens essentiellement à l’avoir sous la main.
– En ce cas, dit Léonora, en approuvant de la tête, je vais la chercher.
– Va, ma bonne Léonora, prononça la reine. Pendant ce temps, Concini m’accompagnera jusqu’à ma litière où tu nous rejoindras.
– J’aurai l’honneur d’escorter la reine jusqu’au Louvre, dit Concini. Léonora s’était déjà dirigée vers la porte. Elle allait sortir au moment où Concini prononça alors ces paroles. Elle se retourna et rappela :
– Vous oubliez, Concino, que vous avez affaire ici : vous avez à vous occuper de ce Valvert et de ce Landry.
– Ah,
Dio birbante !
s’écria Concini en se frappant le front, je les avais complètement oubliés, ces deux-là !
Et avec un intraduisible accent de regret :
– Ah ! ils doivent être loin maintenant !…
– Rassurez-vous, Concino, fit Léonora avec un sourire sinistre, je ne les ai pas oubliés, moi. Ils sont toujours là, enfermés dans votre chambre, comme des renardeaux pris au piège.
Elle sortit sur ces mots, laissant Concini qui exultait d’expliquer à la reine de quoi il s’agissait. Pendant qu’ils s’éloignaient de leur côté, elle entra dans la pièce où Florence attendait.
La jeune fille, l’esprit désemparé, s’était jetée dans un fauteuil pour y réfléchir un peu, en attendant que la reine, « sa mère », la fît appeler. Mais presque aussitôt, elle avait bondi sur ses pieds. Derrière elle, elle venait d’entendre un murmure de voix. Elle se retourna tout d’une pièce et fouilla des yeux le cabinet dans lequel elle se trouvait et sur les splendeurs duquel elle n’avait même pas jeté un coup d’œil.
Le bruit de
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