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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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possibilité que les quatre degrés de la culpabilité dont parle Jaspers peuvent et doivent être pris en compte et évités.
    Au XII e siècle, dans Le Guide des égarés , livre essentiel de la pensée juive, Maimonide va dans le même sens en écrivant : «  Dieu ne change pas par miracle la nature de l’individu. C’est à cause de ce principe important qu’il est dit : Oh, s’ils avaient toujours ce même coeur et qu’ils Me craignent ! » (Deutéronome, V , 26.) Et Maimonide explique : «  Si nous professons ce principe, ce n’est pas que nous croyions que le changement de la nature d’un individu quelconque soit difficile à Dieu. Au contraire, cela est possible et dépend de Sa puissance. Cependant, selon les principes contenus dans la Loi du Pentateuque, Il n’a jamais voulu le faire et ne le voudra jamais, car si c’était Sa volonté de changer chaque fois la nature de l’individu en fonction de ce qu’Il veut obtenir de cet individu, la mission des prophètes et toute la législation seraient inutiles . »
     
    J’ai découvert Lyon à l’occasion du procès Barbie. Il y régnait une angoisse, une tension pesantes, comme si l’écho des événements passés, avec leur fardeau de mépris, voulait étouffer la ville. Dans les cafés, dans la rue, dans les écoles, on ne parlait que du procès. Aux alentours du palais de justice, des jeunes gens regardaient avec appréhension défiler à rebours le film du passé.
    Mais, dans un bar tout proche, d’autres jeunes ne décoléraient pas : selon eux, les Juifs avaient inventé leurs morts afin de tirer parti de la mauvaise conscience de l’humanité.
    Je n’ignore pas qu’il y a toujours des négationnistes aux abords de l’Histoire. Mais je n’aurais jamais cru que cette histoire-là, que ces images-là, que ces témoignages-là susciteraient tant de haine.
    Et je me suis dit que Jaspers situait cette culpabilité métaphysique dans l’espace, alors qu’il faudrait l’étendre aussi dans le temps .
    J’avais nourri une espérance insensée : que la lumière triomphe de l’opacité du mal, que le genre humain aille de progrès en progrès. Vaincu par les armes, le nazisme aurait dû disparaître. Or le voici qui resurgit sans cesse, sous divers oripeaux, sous diverses bannières, comme s’il n’avait pas cessé d’exister depuis les années trente.
    Et l’a-t-on jamais vraiment étudié, compris, jugé ?
    Au palais de justice de Lyon, c’est un petit bonhomme que l’on jugeait, un vieillard au regard inexpressif et vide, qui devait répondre de l’accusation de crime contre l’humanité . Il fallait un sérieux effort d’imagination pour se représenter cet homme à l’époque de sa puissance, lorsqu’il avait pouvoir de vie et de mort sur autrui.
     
    René Nodot, lui, se souvient. Cette époque, il l’a vécue. Les agissements des nazis et de leurs complices, il les a vus. Il a même fait l’impossible, avec ses amis, pour en contrer les effets en soustrayant beaucoup de leurs victimes potentielles aux Barbie et autres persécuteurs de Juifs. Le visage rond, portant des lunettes, René Nodot a aujourd’hui soixante-dix-sept ans. Il est en possession de tous ses moyens et il ne mâche pas ses mots.
    Je l’écoute avec d’autant plus d’attention qu’à lui seul son témoignage redonne à cette ville de Lyon, sur laquelle pèse l’atmosphère du procès Barbie, une manière de respiration plus authentique, plus vraie. Surtout, il m’ouvre à une réalité forte : il est protestant, et il m’indique d’emblée que son engagement spirituel a été déterminant pour son attitude personnelle durant la Dernière Guerre. Après mes investigations du côté de l’Église de Rome, me voici face à ces autres chrétiens, les protestants, déjà rencontrés en Hollande ou au Danemark. Comment ceux de France se sont-ils comportés à l’égard des Juifs persécutés ?
    « J’avais vingt-quatre ans en 1940, dit René Nodot. J’étais sergent dans le service de santé. J’ai été démobilisé dans le sud de la France, et je suis alors rentré dans ma famille, à Bourg-en-Bresse. Lorsque je suis arrivé, les gens ne parlaient que de Pétain. Il était le sauveur, les Français se comportaient en orphelins perdus qui se groupent autour d’un grand-père. C’est une ambiance que l’on a du mal à restituer pour que les jeunes sachent. Pétain allait sauver la France, il allait être le bouclier… Ce mythe de

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