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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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sous-préfet de l’arrondissement de Schlossberg, en Prusse-Orientale, reçoit un télex de la direction de la province qui lui apprend que toutes les synagogues d’Allemagne sont en flammes. »
    Je poursuis ma lecture :
    « La police et les pompiers ne doivent pas intervenir. Bredow revêt son uniforme et prend congé de sa femme, mère de cinq enfants, avec ces mots : “ Je vais à la synagogue de Schierwindt ; en tant que chrétien et Allemand, je veux éviter l’un des plus grands crimes dans le secteur qui est de mon ressort . ” Il sait qu’il risque sa vie ou qu’il peut être envoyé dans un camp de concentration par la Gestapo. “ Je ne peux pas agir autrement ! ” dit-il. Quand les SA, les SS et les gens du Parti nazi surgissent pour mettre le feu, le sous-préfet est déjà là, devant la maison de Dieu. Face aux incendiaires, il charge son pistolet : il les avertit qu’il leur faudra passer sur son cadavre pour aller jusqu’à la synagogue. Nul n’ose s’en prendre au sous-préfet. Les nazis se dispersent… Ce fut la seule synagogue à échapper à la destruction dans cette circonscription. »
    Cette synagogue a été épargnée, mais d’autres, deux cent soixante-sept au total, furent détruites en cette nuit du 10 novembre 1938 que Josef Goebbels appela la « Nuit de cristal ».
    Évoquer la synagogue de Schierwindt nous ferait-il pour autant oublier toutes les autres, qui furent incendiées ? Les Justes qui figurent dans ce livre et tous ceux que je n’ai pas pu interroger risqueraient-ils, par leur entrée dans l’histoire de l’époque nazie, de dissimuler à la mémoire des hommes ceux auxquels ils soustrayaient des vies, ces centaines de milliers de bourreaux, et ces millions de lâches ?
    Ou bien, en complétant les informations sur cette période de notre histoire, les témoignages de ces Justes ne nous permettront-ils pas enfin d’en tirer un réel enseignement ?
    En effet, si l’on ne connaît pas le plus haut niveau d’un cours d’eau, comment peut-on prévenir les inondations ? Où apprendrais-je cela mieux qu’en Hollande ? Ce pays compte le plus grand nombre de Justes : un tiers des 9295 répertoriés en Europe [2] – mais on y trouve aussi, paradoxalement, la plus forte proportion de Juifs déportés en Europe occidentale. Sur cent quarante-trois mille Juifs déportés, seuls vingt mille ont survécu.
    Cette information va-t-elle modifier mon attitude et mes sentiments à l’égard de la patrie d’Anne Frank ? Une des phrases de son Journal aurait pu constituer l’exergue de mon livre : « Je continue à croire que les hommes sont fondamentalement bons et généreux. »
     
    À vrai dire, mon intérêt pour la Hollande doit moins aux tulipes ou aux moulins à vent qu’au personnage de Ménassé ben Israël. C’était un rabbin. Il a créé la première grande imprimerie juive d’Amsterdam au début du XVII e siècle. C’est là, dans cette imprimerie, qu’a travaillé un de mes ancêtres, Herschel, que les persécutions de Pologne avaient une fois de plus jeté sur les routes de l’exil.
    Cette communauté juive d’Amsterdam, avec ses contradictions, ses passions, ses violences, son érudition, son génie créateur, a toujours éveillé ma curiosité. Mieux : elle m’attire. Elle fait miroiter pour moi – à travers la présence de mon ancêtre Herschel et les figures de Ménassé ben Israël, de Rembrandt, de Spinoza, d’Uriel da Costa, à travers ce lieu plus que chargé de mémoire qu’est la synagogue portugaise de cette ville nordique – une constellation de signes familiers, une sympathie d’au-delà du temps qui peuvent sans doute expliquer que je me sois toujours senti « chez moi » à Amsterdam.
    Je savais que, pendant la guerre, des Justes avaient sauvé des Juifs, là-bas. Je savais aussi qu’au pays d’Anne Frank quatre-vingts pour cent des Juifs de Hollande avaient été déportés avec le concours actif de la population, de l’administration, de la police et du parti nazi hollandais, qui ne comptait pas moins de quatre-vingt mille militants – serviteurs-délateurs zélés de la Gestapo, ils fournissaient à celle-ci les adresses, avec cartes et plans détaillés, des lieux et relais où quelques Justes cachaient des Juifs.
    Pourtant, le 25 février 1941, un an après l’invasion de la Hollande, ainsi qu’au lendemain de la rafle du 9 février 1941, les villes d’Amsterdam, de Haarlem, de Weesp,

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