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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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nous. Ils ont vu que nous travaillions pour arriver. Ils savaient que nous nous étions battus pour obtenir la nationalité française – que l’on n’avait d’ailleurs pas voulu nous donner avant la guerre… Il ne faut pas croire que les choses aient toujours été faciles !»
     
    Pierre Marie n’est pas beaucoup plus jeune que son ami Charles Bouy, mais il est alerte. Ni le cheveu blanc et clairsemé ni les lunettes ne font de lui un vieillard. Avec sa femme, il occupe un trois-pièces au troisième étage d’une sorte de HLM.
    « J’ai quatre-vingt-cinq ans, dit-il. La rafle de Nancy a eu lieu le 19 juillet 1942, deux jours après celle de Paris. Quand nous avons appris qu’il allait y avoir une rafle à Nancy, nous nous sommes concertés entre nous. Au Service des étrangers, nous étions sept : deux secrétaires et cinq inspecteurs. Nous avons décidé de venir en aide aux Juifs, et chacun de nous a pris une liste et a fait le tour de Nancy pour les prévenir. Certains ont reçu de fausses cartes d’identité pour pouvoir s’en aller… Une trentaine ont, hélas, été arrêtés par les Allemands, mais, de notre côté, nous avons pu en prévenir plus de trois cents.
    — Et les sauver, donc ?
    — Oui… Tout à l’heure, vous m’avez demandé pourquoi j’ai agi ainsi. Eh bien, par humanité et par patriotisme. J’étais affecté à ce Service des étrangers depuis 1935. J’en connaissais donc beaucoup : des Polonais, des Italiens. Ils étaient venus en France pour travailler. Ils étaient corrects et respectaient nos lois. Comme nous les voyions très souvent au Service, nous les connaissions bien, nous avions une certaine sympathie pour eux. Nous étions comme des amis. Par exemple, Jérôme Sorin, qui est ici avec nous, je l’ai connu tout petit avec sa soeur Régine Jacubert… Et puis les choses ne cessaient de s’aggraver. Quand, par l’intermédiaire de la préfecture, le gouvernement de Vichy a donné l’ordre de recenser les Juifs, nous étions gênés. Ensuite, en 1941, quand il a fallu, au commissariat, leur remettre les étoiles jaunes, c’était très pénible. Les hommes, les femmes, les enfants, tous pleuraient : ils étaient traités comme du bétail.
    — En 1941-1942, connaissiez-vous déjà les dangers qu’ils couraient ?
    — Nous les pressentions, mais sans savoir qu’ils allaient à la mort. Les Juifs de Nancy qui étaient arrêtés pensaient qu’ils partaient dans un camp de travail près de Vittel où étaient internés des ressortissants français et alliés.
    — En quelle année avez-vous appris la vérité sur les camps de la mort ?
    — Très tard. La propagande de Vichy ne parlait pas de ces événements. Nous l’avons su à la Libération.
    — De votre groupe des sept de Nancy, vous n’êtes plus que deux ?
    — Oui, Charles Bouy et moi. Je suis entré dans la police le 1 er août 1930, et Charles le 1 er février 1930 ! Nous nous connaissons donc depuis plus de soixante ans… »
     
    Charles Bouy, lui, loge avec sa fille et ses petits-enfants dans la maison qu’il habitait déjà pendant la guerre.
    « Comment vous y preniez-vous pour fabriquer les faux papiers ?
    — Nous les faisions ici même avec Édouard… Édouard Vigneron, l’un de nos bons amis du Service des étrangers. C’était le soir, à la bougie, quand les enfants étaient couchés – il ne fallait pas qu’ils nous voient faire, il ne fallait pas qu’ils sachent. On terminait vers minuit. Quand il était trop tard, je lui disais de rester dormir ici. Bien sûr, en tant que policier, il avait un laissez-passer, mais il pouvait rencontrer des Allemands et, avec les fausses cartes en poche, il risquait gros. Nous faisions nos sept ou huit cartes à la lueur d’une bougie, oui, pour ne pas être repérés…
    — Vous preniez de vraies cartes sur lesquelles vous inscriviez de faux noms et de vraies photos ?
    — Oui. J’avais fauché un tampon au commissariat. Un jour, je suis arrivé vers midi : deux hommes manquaient et le planton voulait casser la croûte… Je lui ai dit d’y aller. Il n’y avait donc personne – mais, sur le bureau du commissaire, deux cachets… Je les ai pris et je suis retourné chez moi. Je ne voulais pas les conserver dans ma poche. Le lendemain, le commissaire a rouspété ; il y a eu une enquête – sans résultat…
    — N’avez-vous pas eu peur ?
    — Oh si, une fois : quand ils ont arrêté Édouard Vigneron. Il

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