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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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yeux, qu'elle avait fermés. Elle était émaciée, mais pas de manière à faire peur. Immobile entre les draps verts, elle paraissait sans ‚ge, princesse prise dans un enchantement et paraissant attendre le baiser qui l'éveillerait après un siècle de sommeil.
    Les seuls signes de vie étaient le lent mouvement de sa poitrine et, parfois, ceux de sa gorge quand elle déglutissait. Les dég‚ts causés au cerveau étaient irré-versibles. Il n'y avait aucun espoir. Jack Twist le savait et acceptait la permanence de cet état.
    Elle aurait eu un aspect bien pire sans les soins qu'on lui prodiguait chaque jour. Des masseurs venaient chaque jour pour entretenir son tonus musculaire-puisque c'était là tout ce qui lui restait.
    Jack resta longtemps à ses côtés. Depuis des années, il venait deux ou trois fois par semaine et passait chaque fois plusieurs heures en sa compagnie. Et jamais il ne se lassait d'elle.
    Il tira une chaise et s'installa tout près d'elle. Pendant une heure, il lui parla du film qu'il avait vu, des livres qu'il avait lus, du vent d'hiver ou des boutiques parées pour NoÎl.
    Elle ne lui adressa pas le moindre clin d'oeil, pas le plus petit soupir. Elle était là comme toujours, immobile, immuable.
    Malgré tout, il lui parlait parce qu'il espérait qu'un fragment de sa conscience p˚t survivre, lueur de compréhension dans le gouffre noir du coma. Les médecins lui avaient expliqué à plusieurs reprises que ses espoirs étaient vains, qu'elle n'avait plus aucune conscience du monde et que les seules images qu'elle pouvait entrevoir dans son esprit étaient la conséquence de courts-circuits de synapses. Mais s'ils se trom-

    paient, s'il n'y avait qu'une chance sur un million pour qu'ils se trompent, il ne pouvait la laisser dans ce terrible isolement.
    A cinq heures et quart, il alla dans la salle de bains pour boire un verre d'eau et se regarda dans le miroir.
    Une fois de plus, il se demanda ce que Jenny avait bien pu lui trouver.
    On n'aurait pu dire d'aucun trait de son visage qu'il était beau. Il avait le front trop large, les oreilles trop grandes. Il jouissait d'une vue parfaite, mais son oeil gauche présentait un léger strabisme divergent qui faisait que la plupart des gens étaient nerveux lorsqu'ils lui parlaient et passaient d'un oeil à l'autre en se demandant lequel les regardait - alors qu'en fait c'étaient les deux. Il avait quelque chose de clownes-que lorsqu'il souriait, et il arborait une expression tellement redoutable lorsqu'il fronçait les sourcils que même Jack l'Eventreur serait parti en courant.
    Mais Jenny avait trouvé autre chose en lui. Elle l'avait voulu, elle avait eu besoin de lui elle l'avait aimé. Alors qu'elle-même était si jolie, elle se moquait des apparences. C'était l'une des raisons qui faisaient qu'il l'avait tant aimée. L'une des raisons pour lesquelles elle lui manquait tant. Une parmi mille autres.
    Il détourna les yeux du miroir. S'il était possible de se trouver plus seul qu'il l'était en ce moment, Dieu fasse que cela ne lui arriv‚t pas.
    Il revint dans la chambre, dit au revoir à sa femme et promit de revenir très vite.
    Au volant de sa Camaro, Jack Twist jeta des regards de mépris aux piétons et aux autres automobilistes.
    Tous ces hommes, ses frères, qui le considéreraient avec dédain, avec dégo˚t, même, s'ils apprenaient qu'il n'était qu'un voleur professionnel, bien que ce f˚t ce qu'ils leur avaient fait, à Jenny et à lui, qui l'avait engagé sur la voie du crime.
    Il savait que la colère et l'amertume ne pouvaient rien résoudre, qu'elles ne changeaient rien et ne faisaient de mal qu'à lui seul. Il ne voulait pas être amer, même si, parfois, il ne pouvait s'en empêcher.
    Il regagna son appartement après avoir dîné seul dans un restaurant chinois. Il vivait dans un luxueux deux-pièces de la Cinquième Avenue et ses fenêtres donnaient sur Central Park. Officiellement, l'appartement appartenait à une société établie au Liechtenstein, laquelle l'avait payé avec un chèque tiré sur une banque suisse; chaque mois, les frais de copropriété
    étaient réglés par un chèque de la Bank of America.
    Jack Twist se faisait appeler Philippe Delon et les quelques voisins avec qui il échangeait quelques mots le croyaient l'héritier d'une riche famille française, envoyé en Amérique pour y faire des placements. Il parlait couramment français et était capable de discuter des heures en anglais avec

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