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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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roulant plein ouest vers le Tranquility Motel sous un ciel taché
    d'orange et de violet, Ernie Block se demandait s'il n'était pas atteint de sénilité précoce, de la maladie d'Alzheimer, par exemple. Même s'il n'avait que cinquante-deux ans, on aurait bien dit des symptômes de la maladie d'Alzheimer. Et si cela lui faisait peur, au moins pouvait-il le comprendre. Le comprendre, oui, mais pas l'accepter.
    Faye dépendait de lui. Il ne pouvait se permettre de devenir un invalide mental, un fardeau. Chez les Block, les hommes ne laissaient jamais tomber leurs femmes.
    Jamais. C'était une chose impensable.
    La route épousait le contour d'une colline. A moins de deux kilomètres de là, en direction du nord, se dressait le motel, unique b‚timent de ce vaste panorama.
    Ses néons bleus et verts étaient déjà allumés. Aucun spectacle ne l'avait autant réjoui.
    Il ferait nuit noire dans dix minutes et il se dit qu'il serait vraiment stupide de se faire arrêter par un flic si près du but. Il leva le pied et l'aiguille du compteur retomba tout de suite: cent quarante... cent vingt...
    cent...
    Il était à un bon kilomètre de chez lui quand quelque chose d'étrange lui arriva. Il tourna les yeux vers le sud, loin de la route, et retint subitement son souffle.
    Il ne savait pas ce qui l'étonnait à ce point. quelque chose dans le paysage, s˚rement. quelque chose dans la façon dont la lumière et les ombres jouaient sur le flanc des collines. Il lui vint tout à coup l'idée qu'une parcelle de terrain bien particulière-à huit cents mètres de là, de l'autre côté de la nationale 80-avait une importance suprême et, surtout, une relation avec les curieux changements survenus en lui au cours des derniers mois.
    ... quatre-vingts... soixante-dix... soixante...
    Il ne voyait rien, dans ce bout de terrain, qui le rendît différent des dizaines de milliers d'hectares qui l'entouraient. En outre, il l'avait déjà traversé un nombre incalculable de fois sans être impressionné. Et néanmoins, dans les pentes du périmètre, dans les replis adoucis du terrain, dans les méandres de l'arroyo qui l'entaillait, dans la configuration des buissons et de l'herbe, dans les rochers dispersés qui dépassaient du sol, il y avait quelque chose qui exigeait péremptoirement une investigation.
    C'était comme si le paysage lui disait: Íci... c'est ici que tu trouveras en partie la réponse à tes problèmes... ª Il n'y avait rien de plus absurde.
    A son grand étonnement, il se gara le long de la nationale à quelques centaines de mètres de chez lui, non loin de la route secondaire qui servait aussi de bretelle d'accès au motel. Il plissa les yeux en regardant vers le sud, de l'autre côté de l'autoroute, vers l'endroit qui avait capté son attention.
    Il était saisi par la fabuleuse impression d'une imminente épiphanie, par la bouleversante sensation que quelque chose d'une importance monumentale était sur le point de lui arriver. Il sentit la peau de sa nuque se hérisser.
    Il sortit de la camionnette, qu'il laissa tourner au ralenti. Frémissant d'attente et d'espoir sans savoir pour quel objet, il gagna l'autre côté de la chaussée, pour avoir une meilleure vue du morceau de terrain qui l'avait fasciné. Il franchit les deux voies macadamisées, parcourut les six ou sept mètres de fossé qui séparaient l'autoroute, puis escalada l'autre pente; il attendit que fussent passés, dans un énorme grondement, trois gros camions, puis traversa la chaussée qui allait en direction de l'est dans le sillage tourbillonnant des véhicules. Son coeur battait, pris d'une excitation inexplicable, et pour l'instant il avait oublié
    l'imminence de la tombée de la nuit.

    Il s'arrêta au sommet du remblai surélevé de l'autoroute et regarda en direction du sud. Il portait une lourde veste en faux daim avec des parements en peau de mouton, mais ses cheveux gris, coupés en brosse, ne lui protégeaient guère la tête du vent glacial qui glissait ses doigts de glace sur son cr‚ne.
    Il commença à perdre l'impression que quelque chose d'une importance fabuleuse f˚t sur le point de lui arriver. Au lieu de cela, il éprouva celle, inquiétante, que quelque chose lui était déjà arrivé dans cette bande de terrain o˘ s'élargissaient les nappes d'ombre, quelque chose qui expliquerait sa peur récente de l'obscurité. quelque chose qu'il avait rigoureusement chassé de sa mémoire.
    Mais c'était absurde. Si des

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