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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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York
    Cinq jours après avoir dérobé plus de trois millions de dollars à la fratellanza, Jack Twist alla rendre visite à une morte qui respirait encore.
    A une heure de l'après-midi, dans un quartier respectable de l'East End, il gara sa Camaro dans le parking souterrain d'une clinique privée et prit l'ascenseur jusqu'au rez-de-chaussée. Là, l'employé de la réception lui délivra un laissez-passer de visiteur.
    Cela ne ressemblait vraiment pas à une clinique. La partie réservée au public était décorée avec go˚t dans le style Arts-Déco. Il y avait deux petites oeuvres originales d'Erté, des canapés, des fauteuils, des tables couvertes de magazines. Tout le mobilier avait un petit air 1920.
    En fait, c'était même un peu trop luxueux. Les Erté, par exemple, n'étaient pas nécessaires. Et l'on aurait pu économiser sur beaucoup d'autres choses encore.
    Mais la direction pensait que cette image pourrait attirer une clientèle fortunée et permettre ainsi un bénéfice annuel de l'ordre de cent pour cent. Les patients étaient très diversifiés-schizophrènes catatoniques d'‚ge m˚r, enfants autistes, comateux de tout ‚ge-mais tous avaient deux points communs: leur état était chronique et ils appartenaient à des familles aisées susceptibles de leur payer les meilleurs soins.
    quand il pensait à la situation, la colère gagnait immanquablement Jack à l'idée que la ville n'avait aucun service de soins pour les personnes ayant subi des blessures catastrophiques au cerveau ou les malades mentaux gravement atteints à des prix raisonnables. En dépit de leur budget colossal, les institutions de New York, comme les institutions publiques, un peu partout, étaient une sinistre farce que le citoyen moyen devait accepter, faute de choix.
    Jack n'aurait jamais pu régler les notes exorbitantes de la clinique s'il n'avait été un voleur très qualifié.
    Tout au bout du couloir du quatrième étage, résidait dans la dernière chambre à droite la femme morte qui respirait encore. Jack posa la main sur la poignée de la porte, hésita un instant, prit une profonde inspiration et entra.
    La chambre n'était pas aussi somptueuse que le hall.
    Elle n'était pas non plus meublée dans le style Arts-Déco, mais elle était pourtant très agréable et ressemblait plus à une chambre du Plaza avec son haut plafond et ses moulures blanches. Il y avait une petite cheminée blanche, des doubles rideaux vert p‚le, une épaisse moquette, un canapé et deux chaises. Tout reposait sur le principe qu'un patient préfère ce genre d'environnement à une chambre d'hôpital classique.
    Nombre de patients ne savaient même pas o˘ ils se trouvaient, mais les visiteurs se sentaient pour leur part plus à l'aise.
    Le lit était la seule concession au milieu hospitalier bien que les draps et les couvertures eussent de charmants dessins vert clair.
    Seule la patiente g‚chait l'atmosphère de douceur de la chambre.
    Jack abaissa la barrière de protection, se pencha et embrassa sa femme sur la joue. Elle ne frémit pas. Il lui prit la main, mais elle ne réagit pas. Les doigts ne se plièrent pas. Du moins étaient-ils tièdes.
    ´Jenny ? C'est moi, Jenny. Comment vas-tu aujourd'hui ? «a a l'air d'aller. Tu as l'air en forme, je trouve. ª
    En fait, pour quelqu'un qui était dans le coma depuis huit ans et qui n'avait pas fait un seul pas, ni vu un seul arbre, ni senti un seul rayon de soleil elle avait l'air assez bien. Peut-être Jack était-il le seul à pouvoir sincèrement la trouver en forme. Elle n'était plus la beauté qu'elle avait été jadis, mais elle n'avait nullement l'apparence d'une personne ayant flirté aussi longtemps avec la mort.
    Sa chevelure avait perdu son brillant, bien qu'elle e˚t conservé son épaisseur et la même riche nuance ch‚taine que le jour o˘ il l'avait vue pour la première fois, derrière le comptoir des eaux de Cologne pour hommes de Bloomingdale's, quatorze ans auparavant.
    Les gardes-malades lui lavaient les cheveux deux fois par semaine et les lui brossaient tous les jours.
    Il aurait pu passer la main sous cette chevelure, suivre le côté gauche de son cr‚ne et atteindre la partie anormalement affaissée, la répugnante concavité. Il aurait pu la toucher sans la déranger car plus rien ne la dérangeait, mais il ne le fit pas. C'est lui qui en aurait été dérangé. Aucun pli ne fronçait son front, aucune ride ne creusait son visage, pas même aux coins des

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