La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
un léger accent français.
Bien entendu, la famille française n'existait pas, pas plus que la société installée au Liechtenstein. Le compte en Suisse était celui de Jack et la fortune qu'il pouvait investir, celle qu'il avait dérobée à autrui. Jack Twist n'avait vraiment rien d'un banal voleur.
Il ôta le double fond d'un placard et en tira deux sacs qu'il porta dans la salle de séjour. Sans prendre la peine d'allumer la lumière, il les installa tout près de son fauteuil préféré. Il prit une bouteille de bière dans le réfrigérateur, l'ouvrit et resta un instant près de la fenêtre à contempler le reflet des néons du parc sur le sol couvert de neige.
Puis il alluma une lampe de chevet et ouvrit le plus petit des deux sacs avant d'en répandre le contenu.
Rien que des bijoux. Des boucles d'oreilles et des colliers en diamants, des bracelets en émeraudes et diamants, d'autres en saphirs. Des bagues, des broches, des épingles à cheveux, des pendentifs, tous en pierres précieuses.
C'était là le fruit d'un vol commis six semaines auparavant. Le travail de deux hommes, que son brio lui avait permis d'exécuter seul.
Le seul problème, c'est que cet exploit ne lui avait procuré aucun plaisir. D'ordinaire, une mission menée à son terme le mettait de bonne humeur pour plusieurs jours. Pour Jack Twist, un vol n'était pas un simple acte criminel: c'était surtout une vengeance contre le monde entier, contre ce qu'il leur avait fait à Jenny et à lui. Jusqu'à l'‚ge de vingt-neuf ans, il avait tout donné à la société, à son pays, et pour seule récompense, il s'était retrouvé à moisir dans la geôle d'un dictateur d'Amérique centrale. quant à Jenny...
Il avait du mal à penser à l'état dans lequel il l'avait trouvée après son évasion. Maintenant, il ne donnait plus rien à la société, mais lui prenait, et ce avec une jouissance des plus intenses. Sa plus grande satisfaction consistait à enfreindre les règles, à prendre ce qu'il voulait, à s'enfuir avec-jusqu'à il y a six semaines. Son forfait accompli, il n'avait pas éprouvé le moindre sentiment de triomphe. Ce manque d'enthousiasme lui faisait peur. Après tout, c'était à peu près sa seule raison de vivre.
Il joua quelques instants avec les bijoux précieux, mais cela le laissa froid. Il aurait d˚ s'en débarrasser tout de suite après le vol, mais il ne pouvait se résoudre à les vendre sans en avoir le plus petit plaisir.
L'autre sac contenait sa part de butin du cambriolage dans l'entrepôt de la fratellanza. Ils n'avaient forcé qu'un des deux coffres mais celui-ci abritait tout de même plus de trois millions de dollars en petites coupures.
Là encore, il aurait d˚ les blanchir en les versant sur son compte en Suisse. Mais il n'en avait pas non plus tiré de plaisir...
Il tira d'épais paquets de billets ficelés serré du sac, les retournant dans sa main. Il les approcha de sa figure et les renifla. L'odeur particulière de l'argent avait d'ordinaire un effet excitant sur lui; mais pas cette fois. Il ne se sentait pas triomphant, habile, au-dessus des lois ni en rien supérieur aux petites souris obéissantes qui se faufilaient dans le dédale de la société exactement comme on le leur disait. Il se sentait simplement vide.
Si cette transformation en lui s'était produite au cours de l'affaire de l'entrepôt, il l'aurait attribuée au fait d'avoir volé des voleurs au lieu de gens de la société légale. Mais il avait eu la même réaction à la suite du cambriolage de la bijouterie, laquelle était pourtant une entreprise tout à fait légitime. C'était d'ailleurs l'ennui ressenti à l'issue de cette affaire qui l'avait poussé à se lancer plus tôt qu'il aurait d˚ dans un nouveau coup. D'ordinaire, il se contentait d'organiser un vol tous les trois ou quatre mois, or seulement cinq semaines séparaient ses deux dernières opérations.
Très bien. Au fond, il ne s'était peut-être pas senti excité, les deux dernières fois, car l'argent était devenu sans importance pour lui. Il en avait mis de côté suffisamment pour vivre dans l'aisance jusqu'à la fin de ses jours et s'occuper de Jenny, même si elle devait avoir une vie d'une durée normale, ce qui était improbable. Peut-être, dès le départ la chose la plus importante dans son travail n'avait-elle pas été sa rébellion-et le défi à la société qu'il symbolisait-comme il l'avait cru; qui sait, au fond s'il ne l'avait pas juste
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