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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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un mot ?
    -Ils ont d˚ penser que nous nous souviendrions d'eux.
    - Il aurait fallu pour cela qu'ils aient séjourné plusieurs jours d'affilée. Non, ils ne me disent absolument rien. Je me serais pourtant souvenu de la gosse, il me semble ª, dit Ernie. Il aimait beaucoup les enfants et ceux-ci le lui rendaient bien. Élle est belle comme tout, elle devrait faire du cinéma.
    -Je croyais que tu te rappellerais plutôt la mère, dit Faye en riant.
    - Le tampon est celui de la poste d'Elko, dit Ernie.
    Pourquoi quelqu'un d'Elko viendrait-il se reposer ici ?
    - Peut-être qu'ils ne vivent pas à Elko. Ils ont d˚
    venir cet été, ou, plutôt, l'année dernière. Ils voulaient nous envoyer une photo. Ils sont récemment repassés par ici, mais ils n'ont pas eu le temps de nous la donner, alors ils l'ont mise à la poste.
    - Sans la moindre explication ?
    - C'est vrai que c'est bizarre, reconnut Faye.
    - Et puis, c'est une photo au PolaroÔd. Il ne faut qu'une minute pour la développer. Ils auraient très bien pu nous la donner tout de suite. ª
    La porte s'ouvrit et un type aux cheveux frisés, à la moustache buissonnante fit son apparition dans le bureau, frissonnant. Íl vous reste des chambres ? ª
    demanda-t-il.
    Chicago, Illinois
    En dehors du Dr Jim McMurtry, aucun collaborateur de l'hôpital Saint-Joseph ne savait qui était le nouveau garçon de salle. Le père Wycazik avait obtenu le secret absolu de la part du praticien, ainsi que l'assurance solennelle que Brendan devrait travailler autant
    -et aussi durement-que tout autre employé du même rang. C'est ainsi que, le premier jour, il vida des bassins, changea des draps souillés, fit manger à la petite cuillère un enfant de huit ans partiellement paralysé, poussa des chaises roulantes, nettoya le vomi de deux petits cancéreux. Personne ne le chouchouta.
    Personne ne l'appela ´ mon père ª. Pour tout le monde, infirmières, médecins ou malades, il s'appelait Brendan. Et il se sentait mal à l'aise, comme un imposteur entraîné malgré lui dans un bal masqué.

    Ce premier jour, terrassé par le chagrin que lui inspiraient les petits malades, il se retira à deux reprises dans les toilettes pour pleurer. Les jambes tordues et les articulations gonflées des enfants atteints d'ar-thrite chronique, la chair flasque de ceux souffrant de dystrophie musculaire, les plaies suintantes des br˚lés, les corps couverts d'ecchymoses et de bleus des enfants martyrisés par leurs parents-il pleura sur tout cela.
    Il n'arrivait pas à imaginer ce qui faisait penser au père Wycazik qu'accomplir ces t‚ches lui rendrait la foi. La vue de tant d'enfants martyrisés par la souffrance, au contraire, ne pouvait que l'ébranler davantage. Si le Dieu miséricordieux du catholicisme existait réellement, si Jésus existait, pourquoi permettaient-ils que des innocents subissent de pareilles atrocités ? Bien entendu, Brendan n'ignorait aucune des argumentations théologiques sur la question. L'humanité avait choisi le mal, sous toutes ses formes, disait l'Eglise, en se détournant de la gr‚ce divine. Mais les arguments théologiques perdaient toute force face à ces petites victimes du destin.
    Le deuxième jour, ses collègues l'appelaient toujours Brendan, mais les enfants le surnommaient déjà
    Bouboule, vieux surnom qu'il leur avait révélé au fil d'une histoire amusante. Ils appréciaient ses plaisanteries, ses charades, et il parvenait toujours à tirer d'eux un sourire, ou du moins l'ébauche d'un sourire.
    Il ne pleura qu'une seule fois ce jour-là.
    Le troisième jour, tout le monde l'appelait Bouboule. Les enfants ne cessaient de le réclamer et les infirmiers avaient l'impression qu'il avait toujours fait partie de la maison. Il ne pleura que le soir, dans la chambre d'hôtel que lui avait fait louer le père Wycazik.
    C'est le mercredi après-midi, le septième jour, qu'il comprit pourquoi Wycazik l'avait envoyé à Saint-Joseph. La révélation lui vint alors qu'il brossait les cheveux d'une petite fille de dix ans atteinte d'une maladie osseuse très rare.
    Elle se prénommait Emmeline et était à juste titre fière de sa chevelure épaisse, brillante, couleur aile-de-corbeau-véritable défi à la maladie qui ravageait son corps. Elle aimait donner à ses cheveux les cent coups de brosse traditionnels mais, certains jours, ses poi-

    gnets et ses doigts étaient si enflés qu'elle ne pouvait même pas tenir la brosse.
    Le mercredi, Brendan l'assit

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