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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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arrivait de temps en temps que l'entêtement typique des Block refît surface, et Faye voulait un peu le secouer. Tout le monde, chez les Block, souffrait de ça, les hommes en particulier. Un Block faisait les choses de telle manière, non de telle autre, et mieux valait ne pas demander pour quelles raisons. Les hommes, chez les Block, voulaient avoir les tricots de peau repassés, mais pas les caleçons. Une Block portait toujours un soutien-gorge, même à la maison, au plus chaud de l'été. Les Block hommes ou femmes déjeunaient toujours précisément à midi et demi, dînaient toujours à six heures et demie tapantes et Dieu fasse que les plats n'arrivent pas sur la table avec trois minutes de retard: les plaintes qui se seraient ensuivies auraient perforé le plus solide des tympans. Les Block ne roulaient qu'en véhicules de la General Motors. Pas parce que ceux-ci étaient meilleurs que les autres, mais parce qu'ils l'avaient toujours fait.
    Gr‚ce au ciel, Ernie n'avait pas le dixième de l'entêtement de son père et de ses frères. Il avait eu la sagesse de quitter Pittsburgh, o˘ le clan des Block avait vécu des années dans le même quartier. Loin d'eux, dans le monde réel, il s'était un peu décrispé.
    Dans le Marine Corps, il ne fallait pas s'attendre à
    déjeuner et dîner aux heures instituées par les Block.
    Et peu après leur mariage Faye lui avait clairement fait comprendre qu'elle lui bichonnerait un foyer de premier ordre, mais qu'elle ne se sentait pas tenue de respecter des traditions absurdes. Ernie s'adapta, pas toujours facilement, et il était maintenant un mouton noir parmi les siens, coupable d'un certain nombre de péchés comme par exemple conduire d'autres véhicules que des GM.
    En réalité, le seul domaine dans lequel l'entêtement des Block se retrouvait un peu chez Ernie était celui des relations hommes-femmes. Il estimait qu'un homme devait protéger sa femme d'un certain nombre de désagréments qu'elle était tout simplement trop fragile pour supporter. Il croyait qu'une femme ne devait jamais voir son mari dans ses moments de faiblesse. Bien que leur couple n'e˚t pas vécu selon ces règles, Ernie ne semblait pas toujours se rendre compte qu'ils avaient abandonné les traditions des Block plus d'un quart de siècle auparavant.

    Faye savait depuis des mois que quelque chose n'allait pas, mais Ernie avait continué à faire bonne figure, à montrer qu'il était pour la vie entière le Marine solide qui ne craint rien et sur qui les événements n'ont pas de prise.
    Ces dernières semaines, surtout depuis son retour du Wisconsin o˘ elle avait passé les fêtes de Thanksgiving, elle avait pris de plus en plus conscience de son refus, de son incapacité à sortir une fois la nuit tombée. Et il ne se sentait pas à l'aise dans une pièce o˘
    aucune ampoule n'était allumée.
    Mais voici qu'ils se tenaient dans la cuisine, volets clos et lampes allumées. Faye écoutait attentivement Ernie, ne l'interrompant que lorsqu'il avait besoin d'un mot d'encouragement pour continuer. Rien de ce qu'il lui disait ne semblait trop fort pour elle. Bien au contraire, elle avait l'impression de connaître le mal qui le dévorait et le remède à y apporter.
    Il acheva son récit, la voix réduite à un filet. Álors...
    c'est ça, la récompense pour toutes ces années de boulot et d'économies ? Sénilité précoce ? Maintenant, alors que nous pouvons vraiment commencer à profiter de ce que nous avons gagné, est-ce que je vais me retrouver avec la cervelle en bouillie, à baver, à pisser dans mon pantalon, ne servant plus à rien, un vrai fardeau pour toi ? Vingt ans avant le moment ? Bon sang, Faye, j'ai toujours su que la vie pouvait être injuste, mais je ne me doutais pas que j'avais tiré une aussi mauvaise carte.
    -«a ne se passera pas comme ça, dit-elle en lui prenant la main par-dessus la table. C'est vrai que la maladie d'Alzheimer peut frapper des personnes plus jeunes que toi, mais ce n'est pas de cette maladie que tu souffres. D'après ce que j'ai lu et à la façon dont les choses se sont passées pour mon père, je ne pense pas que la sénilité-précoce ou autre-se présente jamais comme cela. «a ressemble plutôt à une phobie.
    Une simpl e phobie. Certaines personnes ont une peur maladive des hauteurs, ou du vide. Pour quelque raison inconnue, tu as développé une peur de l'obscurité.
    «a peut se surmonter.
    -Mais une phobie n'apparaît pas du jour au

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