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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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l'épaule d'André qui semblait être devenu
soudainement insensible à son charme. Ce dernier la déposa devant chez elle un
peu après cinq heures en lui promettant de lui téléphoner durant la semaine.
     
    Au moment où elle
refermait la porte de la voiture, Gilles vint immobiliser sa Toyota orangée
près du trottoir.
     
    Frère et soeur
pénétrèrent ensemble dans la maison.
     
    — Belle heure
pour arriver! s'écria Richard dont la chaise obstruait l'entrée de la cuisine.
Un peu plus, vous passiez sous la table, ajouta-t-il, toujours plaisantant.
     
    Gilles et Carole
retirèrent leur manteau et leurs bottes avant de s'avancer vers la cuisine
enfumée. Ils trouvèrent les trois enfants de Denise déjà attablés en train de
manger, servis par leur mère et leur grand-mère. Jean-Louis avait demandé de
manger avec eux sous le prétexte de ne pas entasser trop d'invités autour de la
table lors du deuxième service.
     
    — Viens me
trancher le jambon pendant que Denise sert du gâteau aux enfants, ordonna
Laurette à sa cadette.
     
    54
    Carole mit un
tablier pour ne pas salir sa jupe et s'empara d'un couteau après avoir embrassé
sur une joue sa soeur et sa belle-soeur, Jocelyne.
     
    — Il paraît que
t'es allée aux vues? lui demanda cette dernière.
     
    La petite femme à
la figure pointue était assise un peu à l'écart des hommes et regardait sa
belle-mère et Denise travailler à la préparation du souper sans esquisser le
moindre mouvement pour participer.
     
    Jocelyne Bernier
travaillait depuis sept ans dans les bureaux de MacDonald Tobacco. Quelques
mois après avoir été embauchée, la jeune fille de dix-huit ans avait remarqué
qu'elle ne laissait pas Richard Morin indifférent.
     
    Ce dernier,
séduit par ses grands yeux noirs et son énergie, entreprit de la conquérir. Un
an plus tard, le jeune couple s'était marié.
     
    — Oui. Au
Grenada.
     
    — Maudit que
j'aimerais ça décider ton frère à m'amener voir un film de temps en temps,
dit-elle, mais il y a pas moyen de le faire bouger la fin de semaine. Le
samedi, il travaille encore toute la journée chez ton oncle Rosaire à déneiger
ses maudits chars et le dimanche, il fait des plans.
     
    — Il vous reste
encore les soirs dans la semaine, lui fit remarquer Denise.
     
    — Aïe, la grande!
protesta Richard Morin. Je travaille toute la journée chez MacDonald Tobacco,
moi. Tu t'imagines tout de même pas que j'ai le goût de sortir après le souper.
     
    Sans être aussi
grand que son beau-frère, Pierre, Richard Morin était le plus grand des frères
Morin. À vingt-sept ans, il était demeuré maigre et ses tempes étaient déjà
légèrement dégarnies. Sur les conseils de sa femme, il avait laissé allonger
ses cheveux de manière à cacher en partie ses grandes oreilles largement
décollées de son crâne.
     
    55
    — Moi aussi, je
travaille, intervint sa femme.
     
    — C'est pas une
vraie job que tu fais, toi, la rembarra son mari. T'es dans les bureaux et t'es
assise toute la journée.
     
    — Maudit que t'es
insignifiant quand tu t'y mets, Richard Morin! MacDonald Tobacco me paye à rien
faire, je suppose? s'emporta sa femme en lui jetant un regard noir.
     
    — Ben non. Je
disais ça pour te faire parler, s'excusa son mari.
     
    — Tu devrais
plutôt dire à ta famille que t'es déjà rendu trop pépère pour avoir envie de
sortir le soir.
     
    — Si on veut voir
un film, on a la télévision, riposta Richard. Tu vois, Gilles, ce qui t'attend
quand tu vas être marié, ajouta-t-il, malicieux. C'est ben de l'ouvrage à
dresser, une femme!
     
    — Laisse ton
frère tranquille, lui ordonna sa femme.
     
    Lui, il est
capable de comprendre qu'une femme comme moi peut pas se contenter de regarder
des vieux films en noir et blanc ou des programmes niaiseux comme Cré Basile.
     
    J'aime autant
lire, rétorqua la petite femme, nerveuse.
     
    Jocelyne savait
qu'elle venait de piquer sa belle-mère, une admiratrice inconditionnelle
d'Olivier Guimond.
     
    Cette dernière
lui jeta un regard mauvais et se retint difficilement de rabrouer sa bru.
     
    Si Laurette
n'aimait pas beaucoup Florence, elle ne pouvait nier qu'elle n'avait jamais eu
beaucoup d'atomes crochus avec Jocelyne Bernier.
     
    — Un vrai maudit
paquet de nerfs! jurait-elle souvent à son propos. Elle est pas parlable. Je sais
pas comment Richard fait pour l'endurer.
     
    Il fallait
reconnaître que Jocelyne avait un certain don pour froisser la

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