La fuite du temps
Jean-Louis de vous prêter des comics, lui ordonna sa
grand-mère.
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— Est-ce qu'on
joue une partie de cinq cents? demanda Richard.
— OK. Pierre et
moi, on va être l'équipe de relève, décida Denise.
Pendant plus
d'une heure, la cuisine fut la scène de parties de cartes bruyantes durant
lesquelles les adversaires se traitaient de «fessier» ou s'accusaient de
«prendre en fou». Un peu après neuf heures, Denise donna le signal du départ à
sa petite famille. Elle alla chercher Sophie endormie dans le lit de sa tante
Carole et Pierre s'empressa d'aller faire démarrer sa voiture pendant que les
enfants s'habillaient. Richard l'imita.
En quelques
minutes, tous les visiteurs furent habillés et prêts à partir. Ils remercièrent
leurs hôtes et quittèrent la maison.
— Ouvre la porte
d'en arrière une minute, ordonna Laurette à son mari après le départ des
invités. Tout le monde a fumé comme des déchaînés durant la soirée. La maison
est pleine de boucane de cigarette. On a de la misère à respirer.
Carole sortit de
sa chambre à coucher et vint préparer son goûter pour le lendemain midi avant
que sa mère entreprenne de préparer ceux de Gilles, de Jean-Louis et de Gérard.
Après avoir écouté les informations télévisées, Gérard éteignit le poêle à
huile de la cuisine avant d'aller rejoindre sa femme dans leur chambre à
coucher. Dès que la porte de la pièce fut refermée, ils se préparèrent pour la
nuit avant de s'agenouiller pour la prière du soir.
— Je te dis que
cette Jocelyne-là mourra pas d'épuisement, dit Laurette en se glissant sous les
couvertures.
— Pourquoi tu dis
ça? — Tu l'as vue comme moi. Elle a pas levé une épingle pour venir nous donner
un coup de main à préparer le souper. Attends qu'on soit invités chez eux, toi,
tu vas voir
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que moi aussi, je
suis capable de rester assise ben tranquille pendant qu'elle va s'occuper du
repas.
— Elle a dû
penser que t'avais déjà Denise pour t'aider.
— J'espère en
tout cas que la Florence de Gilles va être moins sans-coeur, fit remarquer sa
femme en se couvrant les épaules avec les couvertures.
— Pour le savoir,
il va falloir que tu te décides à l'inviter, dit Gérard, sarcastique, après
avoir remonté le mécanisme du gros réveille-matin Westclock qu'il déposa sur sa
table de nuit.
— Pourquoi tu dis
ça? — Parce qu'elle aurait pu être invitée à souper à soir, comme les autres,
laissa tomber Gérard.
— Maudit verrat!
Exagère pas, Gérard Morin! T'as ben vu, comme moi, qu'on n'a pas assez de place
pour l'inviter. On a été obligés de faire deux tablées.
— En tout cas,
que tu le veuilles ou pas, il va ben falloir lui faire une place, à cette
fille-là. Elle va entrer dans la famille cet été.
— On verra dans
ce temps-là. J'ai déjà ben assez d'endurer la Jocelyne sans courir après cette
fraîche-là.
Chapitre 3
Une bien mauvaise
surprise Deux semaines plus tard, un lundi après-midi, Gérard revint du travail
un peu après quatre heures. A l'extérieur, une petite pluie froide tombait
depuis quelques heures.
— Tu parles d'un
temps de chien, dit-il à sa femme en retirant l'imperméable qu'il portait sur
son uniforme de gardien de sécurité. Ça me surprendrait même pas qu'il neige.
Cybole! Dire qu'on est rendus à la deuxième semaine d'avril.
— En tout cas,
c'est pas aujourd'hui que je risquais de pouvoir étendre mon linge dehors, fit
Laurette en déposant sur la table de cuisine une brassée de vêtements qu'elle
venait d'enlever sur les cordes tendues autant dans la cuisine que dans le
couloir.
— Dire que tu
pourrais avoir une sécheuse, la taquina-
t-il en se
dirigeant vers le comptoir pour se faire une tasse de café.
— Viens pas
m'achaler encore une fois avec ça, répliqua sa femme. Je l'ai dit que je
voulais pas avoir cette maudite affaire-là dans les jambes dans ma cuisine. Il
y a déjà ben assez de la télévision, des chaises berçantes et de la laveuse.
Je suis pas pour
m'encombrer de ça en plus.
À Noël, ses
enfants s'étaient tous cotisés pour lui offrir une mini laveuse Hoover pour
rendre sa vie plus facile.
Denise avait
d'ailleurs pris la précaution de sonder sa mère
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quelques semaines
auparavant pour s'assurer que ce cadeau lui ferait plaisir. La mère de famille
avait accepté, sans trop d'enthousiasme, l'idée de
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