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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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suivi de près par Marthe Paradis sous le regard
interrogateur des caissiers et des deux autres commis. Cette dernière prit soin
de refermer la porte derrière elle avant d'apostropher Maurice Pronovost qui
venait de s'allumer une cigarette et la dévisageait avec un air insolent.
     
    Dès qu'elle se
retrouva seule en présence du commis, la monitrice passa au tutoiement.
     
    — Veux-tu
m'expliquer à quoi tu t'amuses? lui demanda-
    t-elle sans
préambule.
     
    — Je sais pas de
quoi vous parlez, osa dire le commis.
     
    — Ça fait deux ou
trois fois que je te vois faire le bouffon pour faire rire les autres depuis
que je suis arrivée à matin.
     
    — De qui est-ce
que tu ris? — Ben.
     
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    — De qui? — Ben,
je fais juste imiter Morin. C'est pas de ma faute si c'est une tapette et que
ça fait rire les autres.
     
    — Ah! C'est une
tapette? demanda Marthe, l'air mauvais.
     
    — En tout cas, il
en a l'air, reprit l'autre qui ne semblait pas se rendre compte de la fureur de
sa supérieure. Il marche les fesses serrées et il a des petites allures,
ajouta-
    t-il en cassant
le poignet et en se trémoussant, comme il le faisait depuis quelques mois pour
amuser les autres.
     
    — Et Paul Labrie
te laissait faire le clown sans rien dire? lui demanda la monitrice en baissant
dangereusement la voix.
     
    — Ben oui. Lui
aussi, il trouvait ça drôle.
     
    — Bien, moi, je
trouve pas ça drôle, m'entends-tu? dit-elle d'une voix coupante. Je veux plus
de ça dans la succursale. Je t'avertis que si je te reprends à te moquer de
Jean-Louis Morin, tu passes au bureau d'en avant et je vais demander au gérant
de t'envoyer t'expliquer au bureau-
    chef. Je peux
même te garantir qu'eux autres, au bureau du personnel, ils te trouveront pas
drôle et il y a de bonnes chances que tu ailles faire ton numéro ailleurs.
C'est clair? — M'as-tu entendue? — Oui, finit par répondre Pronovost, le visage
blême.
     
    — Tu peux même
avertir tes chums qui ont l'air de te trouver si drôle que la même chose les
attend si je les prends à faire ces niaiseries-là. A cette heure, va faire ton
ouvrage.
     
    Maurice Pronovost
revint près des caisses en arborant un air beaucoup moins arrogant. Au passage,
il jeta un regard haineux à Jean-Louis, comme s'il le tenait responsable de sa
déconvenue. Il connaissait assez les moeurs de la banque pour savoir que la
monitrice n'allait pas manquer
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    d'inscrire à son
dossier le sévère avertissement qu'elle venait de lui servir. À la limite, cela
pouvait signifier que son avancement au poste de quatrième caissier pourrait
être sérieusement compromis.
     
    Il réintégra son
siège sans rien dire, sous l'oeil scrutateur des autres employés. Il regarda
passer Marthe Paradis devant son poste de travail avant de chuchoter aux autres
commis assis près de lui: — Lui, il va me payer ça, l'enfant de chienne, dit-il
entre ses dents. Elle, c'est une vraie maudite folle. Elle entend pas à rire
pantoute.
     
    Après avoir
vérifié que la monitrice avait bien réintégré son bureau à l'avant, il raconta,
à son avantage, la scène qui venait de l'opposer à la nouvelle venue.
     
    — Elle m'a
engueulé parce que j'ai ri de lui, expliqua-
    t-il à mi-voix en
désignant Jean-Louis, qui leur tournait le dos, debout à sa caisse, mais je te
dis que je lui ai rivé son clou.
     
    Il ne parla
toutefois pas assez bas pour empêcher Jean-
    Louis Morin
d'entendre ce qui s'était passé. Ce dernier se réjouit secrètement que la
remplaçante de Labrie ait pris sa défense.
     
    À trois heures,
les portes de la succursale furent verrouillées.
     
    Les caissiers
remisèrent leur matériel dans la voûte et les employés s'empressèrent
d'endosser leur manteau pour quitter les lieux. En passant devant le bureau de
la monitrice, Jean-Louis lui sourit.
     
    — Bonjour,
madame. Merci, ajouta-t-il pour lui faire savoir qu'il avait apprécié son
intervention.
     
    — A demain,
répondit-elle en lui adressant un clin d'oeil malicieux.
     
    Sans trop savoir
pourquoi, Jean-Louis revint à la maison tout ragaillardi par ce signe de
complicité.
     
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    Deux heures plus
tard, ce jour-là, Carole sortit de l'immeuble où elle travaillait et chercha du
regard l'Oldsmobile rouge d'André Cyr. La veille, au téléphone, son ami lui
avait pourtant promis de venir la chercher quand elle était parvenue à le
joindre. Elle décida de l'attendre quelques minutes, au cas où la

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