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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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à la fin d'avril. Tous les bons
logements sont partis. Il reste juste les soues à cochon ou des troisièmes
étages. Nous vois-tu poignes cet automne ou en plein coeur de l'été à nous
chercher un logement? — Arrête de t'énerver pour rien. Il y a encore rien de
fait, je te dis, lui conseilla son mari. Je vais aller faire un tour chez
Lemieux pour savoir si quelqu'un a entendu parler de quelque chose, ajouta-t-il
en suspendant la casquette de son uniforme au crochet fixé au mur, derrière la
porte.
     
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    Sur ce, Gérard
sortit de la maison. Laurette le regarda traverser la rue Emmett et entrer dans
le dépanneur situé au coin. Son mari demeura là un bon vingt minutes avant d'en
sortir, un exemplaire de La Presse sous le bras.
     
    — Puis? lui
demanda Laurette dès qu'il eut franchi le seuil de la porte de l'appartement.
     
    — Rien. D'après
ce que j'ai su, le bonhomme Tremblay a dit la même chose à tout le monde.
     
    Au moment où le
père de famille prenait place dans sa chaise berçante pour jeter un coup d'oeil
à son quotidien, la porte d'entrée s'ouvrit sur un Jean-Louis étrangement de
bonne humeur.
     
    — Tu rentres ben
tard, lui fit remarquer sa mère en train d'éplucher les pommes de terre, assise
au bout de la table.
     
    — Il est juste
quatre heures et demie, m'man.
     
    — Je le sais ben,
mais la banque ferme à trois heures, non? — Je suis allé boire un café au
restaurant avec quelqu'un de la banque, se contenta de dire son fils en se
versant un verre de boisson gazeuse qu'il emporta dans sa chambre.
     
    En apprenant la
nouvelle, Laurette faillit laisser tomber son couteau, mais elle se garda bien
de formuler une remarque tant que son fils n'eut pas refermé la porte de sa
chambre.
     
    — C'est nouveau,
ça, chuchota-t-elle à son mari.
     
    — De quoi tu
parles? lui demanda Gérard en levant les yeux de son journal.
     
    — T'as pas
entendu ton garçon? demanda-t-elle à voix basse. Depuis quand il s'entend assez
ben avec quelqu'un pour aller boire un café avec lui au restaurant? — Pourquoi
pas?
     
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    — J'espère juste
que c'est pas un autre Jacques Cormier, fit la mère de famille, soudain
inquiète. Il manquerait plus que ça! Ça lui a pris des mois pour être d'aplomb
quand l'autre l'a jeté dehors.
     
    — Arrête donc de
toujours t'inquiéter pour rien, lui dit son mari avant de replonger dans sa
lecture.
     
    Laurette avait
bien tort de s'inquiéter. Son Jean-Louis était en passe de retrouver un
équilibre qu'il avait perdu depuis longtemps grâce à Marthe Paradis, la
nouvelle monitrice. Cette dernière avait fortement contribué à changer
l'atmosphère qui régnait à la succursale de la Banque d'Épargne par sa
gentillesse et sa fermeté. Quand le gérant lui avait suggéré de former Maurice
Pronovost pour le poste de quatrième caissier, peu à peu le comportement du
commis avait changé parce qu'il s'était vite aperçu qu'il avait trop souvent
besoin de l'aide du troisième caissier, qui travaillait à ses côtés.
     
    Jean-Louis avait
commencé par faire la sourde oreille à ses appels au secours, mais il s'était
rendu aux encouragements discrets de Marthe Paradis. Il avait accepté de faire
taire sa rancune pour aider son détestable voisin lorsqu'il était mal pris. En
l'absence de Labrie et d'un public, les railleries avaient progressivement
cessé dans son dos.
     
    Cet
après-midi-là, Jean-Louis était sorti de la succursale en même temps que la
monitrice.
     
    — Si t'es pas
trop pressé de rentrer chez vous, on pourrait peut-être aller boire quelque
chose au restaurant au coin de Frontenac? lui avait-elle suggéré avec un large
sourire, sans aucune trace de timidité.
     
    Un peu interloqué
par cette invitation inattendue, Jean-Louis était d'abord demeuré sans voix,
debout sur le trottoir.
     
    — Est-ce que ça
te tente? avait insisté la jeune femme.
     
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    — Certain,
avait-il finalement accepté, un peu mal à l'aise devant une telle invitation.
     
    Pour la première
fois de sa vie, le fils de Laurette Morin allait se retrouver en tête-à-tête
avec une femme. Tout en marchant à ses côtés en direction du restaurant, il se
demandait ce qu'il allait bien pouvoir dire à cette femme qu'il ne connaissait
pas. Il n'eut pas à s'interroger très longtemps. Marthe était une femme toute
simple et sans artifice. Dès qu'ils eurent une tasse de café devant eux, elle
dirigea habilement la conversation de sorte qu'il se

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