La fuite du temps

donc la
télévision, dit Laurette à son mari.
     
    — Dérangez-vous
pas pour moi, madame Morin, dit la jeune femme sur un ton aimable. Je ne fais
qu'arrêter en passant pour vous dire bonsoir. Gilles tenait absolument à me
montrer le travail d'un de ses élèves avant de me ramener à la maison.
     
    — T'as ben le
temps de boire une tasse de café avec nous autres, intervint Gérard.
     
    — Ben oui.
Assis-toi, offrit Laurette en se levant. On est vendredi soir. Tu travailles
pas demain. Gilles, allume donc la lumière du plafond.
     
    Gilles obéit à sa
mère et tout le monde prit place autour de la table. Pendant que Laurette
préparait le café, Florence répondait aux questions de Gérard au sujet de leur
futur appartement.
     
    — Où est-ce que
tu vas faire coudre tes rideaux? lui demanda Laurette en déposant le sucrier et
le lait au centre de la table.
     
    — Il nous reste
encore deux mois avant le mariage, répondit Florence. J'ai tout le temps de les
coudre moi-
    même. On est même
allés acheter le tissu après avoir pris les mesures ce soir.
     
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    — Ah! Parce que
tu sais coudre? lui demanda sa future belle-mère, un peu épatée.
     
    — J'ai pas eu le
choix, madame Morin, répondit en riant la jeune femme de trente-cinq ans. Quand
je rechignais un peu trop à apprendre, ma mère se fâchait et disait qu'une
femme était obligée de savoir ça.
     
    — Moi, j'ai
jamais été capable d'apprendre à coudre comme du monde, même si les soeurs
m'engueulaient comme du poisson pourri. J'avais les mains pleines de pouces,
avoua Laurette.
     
    — Peut-être parce
que vos religieuses étaient moins sévères que ma mère, lui fit remarquer en
riant sa future bru.
     
    — Est-ce que ça
veut dire que tu vas coudre toi-même ta robe de mariée? — Ah non, par exemple!
s'empressa de répondre Florence. Je suis pas assez bonne pour faire ça.
     
    Cet aveu sembla
faire plaisir à Laurette qui prit place en face de la femme qui allait épouser
Gilles bientôt. Florence jeta un coup d'oeil à Jean-Louis qui n'avait pas
ouvert la bouche depuis son arrivée. Elle éprouvait à l'endroit du frère aîné
de son fiancé des sentiments mitigés. Le jeune homme efféminé semblait mal à
l'aise en sa présence et avait résisté à toutes ses tentatives de le faire
parler.
     
    — Si ça vous
tente, madame Morin, vous pourriez venir voir notre appartement demain avec
votre mari, proposa Florence, aimable.
     
    — Mon mari
travaille toute la journée au garage, déclina Laurette.
     
    — Vous pourriez
venir avec Jean-Louis. Je suis sûre que Gilles pourrait vous amener, poursuivit
l'institutrice en adressant à Jean-Louis un sourire chaleureux.
     
    — Merci. Mais
demain, je dois aller voir Zyrba, le Grec avec quelqu'un qui travaille à la
banque avec moi, dit Jean-Louis.
     
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    Quelques minutes
plus tard, Gilles et Florence quittèrent la maison. Le jeune homme promit
d'être vite de retour après avoir ramené Florence chez elle. Dès que la porte
se referma, Jean-Louis regagna sa chambre à coucher et Gérard alluma le
téléviseur dans l'intention de regarder les nouvelles de fin de soirée à
Télé-Métropole.
     
    — Maudit que j'ai
de la misère à endurer cette fille-là!
     
    dit Laurette en
allumant une cigarette. Elle a presque l'âge d'être la mère de Gilles,
ajouta-t-elle avec sa mauvaise foi habituelle quand il s'agissait de
l'institutrice de trente-cinq ans. A l'entendre, elle coud comme une
perfection. Elle est ben plus fine que tout le monde, elle.
     
    — Arrête donc de
te pomper toute seule, lui ordonna son mari. Elle est pas si vieille que ça et
elle est loin d'être laide. En plus, elle a jamais dit qu'elle cousait ben.
Elle a dit qu'elle était capable de se débrouiller. Je pense que c'est la
jalousie qui te fait parler. Moi, je trouve que c'est une fille qui a une tête
sur les épaules et qui va faire une bonne épouse à notre gars.
     
    — Ben sûr, toi,
aussitôt qu'il y a une femme dans le portrait, tu vois plus clair, lui dit
Laurette, sur un ton sarcastique. Tu vas voir que ce mariage-là marchera pas
pantoute. Elle va essayer d'écraser Gilles et il le prendra pas. Bout de
viarge! Il me semble que j'ai ben assez de m'inquiéter pour Jean-Louis sans
être poignée pour m'en faire pour lui en plus.
     
    — Pourquoi tu
t'en fais pour Jean-Louis? lui demanda Gérard, surpris, en tournant la tête
vers elle.
     
    — Es-tu devenu
sourd? lui demanda sa femme. Tu