La fuite du temps

manquerait pas de lui
demander pourquoi elle n'allait pas chez le médecin de famille des Morin.
     
    Tout ce dont elle
se souvenait, c'était que le praticien avait son bureau sur le boulevard
Saint-Joseph.
     
    Finalement, la
jeune fille décida d'attendre le départ de sa mère pour sa tournée des grands
magasins du samedi afin de chercher à avoir un rendez-vous chez un médecin.
     
    Fébrile, elle se
leva, fit sa toilette et entreprit de faire le ménage de sa chambre, comme tous
les samedis matins.
     
    Elle entendit son
père partir pour le garage de son oncle Rosaire. Une heure plus tard, ce fut au
tour de sa mère, de Gilles et de Jean-Louis de venir prendre leur repas du
matin. Ce dernier accepta d'accompagner son frère à son appartement et Laurette
profita de la voiture de Gilles qui lui avait offert de la laisser sur la Plaza
Saint-Hubert.
     
    Dès qu'elle se
retrouva seule dans l'appartement, Carole se jeta sur l'annuaire téléphonique.
Elle chercha vainement un docteur Bolduc sur le boulevard Saint-Joseph. Par
contre, elle trouva un Edmond Leduc sur le même boulevard.
     
    Si elle se fiait
à l'adresse de son bureau, ce dernier devait être situé près de la rue
Saint-Denis. Elle téléphona et, à sa grande surprise, la réceptionniste du
médecin lui trouva un rendez-vous au début de l'après-midi même.
     
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    Jean-Louis revint
seul à la maison à la fin de Pavant-
    midi. Carole le
laissa se débrouiller avec son dîner et quitta l'appartement sans lui dire où
elle allait. Le ciel s'était ennuagé pendant la matinée et la pluie menaçait.
     
    — Je suis mieux
de pas traîner, se dit-elle en hâtant le pas vers la rue Sainte-Catherine où
elle avait l'intention de prendre l'autobus. Il manquerait plus que je
rencontre m'man qui va rentrer plus de bonne heure s'il se met à mouiller.
     
    La jeune fille
s'était inquiétée inutilement. Quelques minutes plus tard, elle poussa la porte
du bureau d'Edmond Leduc, situé au rez-de-chaussée d'une vieille maison en
pierre à l'aspect cossu sur le boulevard Saint-Joseph. Cet après-midi-là, elle
devait être la première patiente du médecin parce qu'elle se retrouva seule
face à une jeune réceptionniste dans la salle d'attente. Mal à l'aise, elle
s'assit sur une chaise de bois pour attendre le médecin qui n'était pas encore
revenu de son dîner.
     
    À une heure
précise, un grand homme maigre aux tempes argentées ouvrit la porte du bureau
située derrière la réceptionniste.
     
    — Mademoiselle
Morin, appela-t-il.
     
    Le coeur battant,
Carole se leva et se dirigea vers la pièce. Le médecin avait déjà repris place
derrière son bureau et la regarda s'asseoir sur le siège qu'il lui indiquait de
la main. Edmond Leduc lui posa une série de questions et remplit un dossier en
levant à peine le nez de la feuille sur laquelle il notait ses réponses.
Lorsqu'il eut fini, il déposa son stylo devant lui et releva sur son front les
lunettes à monture de corne qu'il avait chaussées.
     
    — Bon. Qu'est-ce
qui va pas? lui demanda-t-il.
     
    — J'aimerais
passer un... un...
     
    — Un quoi?
     
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    — Il faudrait que
je passe un test de grossesse, dit péniblement Carole d'une toute petite voix.
     
    Le médecin jeta
un rapide coup d'oeil au dossier qu'il venait de remplir. Il ne s'était pas
trompé. Sa patiente n'était pas mariée. Bon.
     
    — Avez-vous une
raison, mademoiselle, de croire que vous pourriez être enceinte? — J'ai
commencé à avoir mal au coeur le matin, avoua-
    t-elle, en
sentant le rouge lui monter au visage.
     
    — C'est correct,
trancha-t-il, sans marquer la moindre désapprobation. On va en avoir vite le
coeur net. Je vais vous faire passer un test d'urine. On va connaître le
résultat dans trois ou quatre jours. Ma réceptionniste va vous téléphoner pour
vous fixer un rendez-vous.
     
    Carole demeura un
instant silencieuse avant de reprendre, la gorge légèrement serrée: — Est-ce
que je pourrais pas appeler moi-même pour savoir quand vous pouvez me recevoir?
Le médecin sembla comprendre immédiatement que la jeune fille ne voulait pas
que quelqu'un, à la maison, soit au courant de son état et il se fit plus
conciliant. Il saisit son agenda posé sur le coin de son bureau et le consulta.
     
    — Écoutez. Passez
donc à sept heures, mardi soir. Je suis sûr que j'aurai reçu les résultats de
votre test.
     
    Carole le
remercia et quitta le bureau, impatiente de se retrouver à l'air