Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
Vom Netzwerk:
prononçant ces mots. Les talents de conducteur de
Gérard étaient plutôt limités. Sa façon de conduire la rendait nerveuse. Il
faut dire qu'il avait une fâcheuse tendance à chevaucher la ligne blanche et à
accélérer dans les moments les plus inattendus.
     
    Cette conduite
erratique suscitait parfois un concert de klaxons dont il ne semblait pas se
préoccuper. Tout cela expliquait pourquoi sa femme n'avait énoncé aucune
protestation quand il avait émis l'idée de partir tôt. Moins il y aurait de
voitures sur la route, moins elle serait énervée.
     
    En ce samedi
matin plutôt gris, les rues de la métropole étaient peu achalandées et Gérard
n'eut aucun mal à se
    196
    rendre au pont
Pie IX, qu'il traversa. Dès qu'il se retrouva sur la grande route, il accéléra
légèrement, les deux mains rivées sur le volant, le nez presque collé au
pare-brise, soucieux de ne pas faire une fausse manoeuvre. À l'arrière, le
gamin s'était étendu sur la banquette et dormait.
     
    — Tasse-toi! cria
soudain Laurette à son mari.
     
    Gérard sursauta
au moment même où un camion chargé de terre les croisa en klaxonnant
furieusement.
     
    — Qu'est-ce qu'il
a à s'énerver de même? demanda Gérard.
     
    — T'étais de son
côté, bonyeu! lui fit remarquer Laurette. Regarde où tu vas!
     
    — Allume-moi une
cigarette, répliqua son mari, trop tendu pour songer un seul instant à le faire
lui-même.
     
    Après avoir tendu
la cigarette à son mari, Laurette tourna le bouton de la radio de bord. En
tâtonnant légèrement, elle parvint à syntoniser un poste. Aussitôt, la voix de
Michel Pol nareff chantant La poupée qui fait non emplit la cabine.
     
    — Maudite chanson
insignifiante! se contenta de dire Laurette en cherchant immédiatement un autre
poste.
     
    Elle tomba sur la
voix chaude de Jean Ferrât interprétant Heureux celui qui meurt d'aimer.
     
    — Ça, c'est une
chanson qui veut dire quelque chose, dit-elle sur un ton convaincu quand la
chanson prit fin.
     
    Moi, je comprends
pas pourquoi un poste comme Radio-
    Canada invite pas
des gars comme lui pour chanter le dimanche soir plutôt que de nous obliger à
regarder des programmes plates.
     
    Gérard, toujours
aussi concentré sur sa conduite, ne répondit pas. La route était étroite et
accidentée, et semblait exiger du pilote toute son attention. Près de Rawdon,
un concert de klaxons fit sursauter Laurette qui tourna brusquement la tête
vers l'arrière. À sa grande surprise, une
    197
    douzaine de
voitures roulaient derrière la Chevrolet bleue et les conducteurs semblaient de
plus en plus impatients.
     
    Comme une double
ligne blanche leur interdisait tout dépassement, ils faisaient connaître leur
mécontentement au lambin qui les empêchait de rouler normalement.
     
    — Bout de viarge,
Gérard, trouve une place où te tasser! intima-t-elle à son mari. T'empêche le
monde de passer. Ils ont l'air enragés.
     
    — Aïe! Je suis
pas pour me garrocher dans le fossé pour leur faire plaisir, protesta-t-il, un
rien énervé. Qu'ils attendent ou qu'ils passent par-dessus mon char.
     
    Au même moment,
le conducteur d'une camionnette rouge, qui roulait six voitures derrière celle
de Gérard, perdit patience. Faisant fi de la double ligne blanche et du virage,
il sortit du cortège et accéléra pour doubler tous les autres véhicules,
surtout la Chevrolet. A la hauteur de Gérard, il klaxonna rageusement, lui
montra le poing et se rabattit brutalement sur sa droite, au risque de percuter
la vieille voiture. Gérard dut freiner brutalement pour éviter de tamponner le
véhicule de l'impatient et la Chevrolet se mit à tanguer dangereusement.
     
    — Taboire! Mais
il est fou raide, cet animal-là! s'écria Gérard, le front couvert de sueur.
     
    — C'est un vrai
malade! ne put s'empêcher de hurler Laurette, cramponnée au tableau de bord.
     
    Pendant un bref
instant, elle avait cru sa dernière heure venue.
     
    — Mais tu
retardes tout le monde aussi, ajouta-t-elle.
     
    Tu roules pas assez
vite. Tiens. Tasse-toi là. Il y a de la place, lui conseilla-t-elle en lui
montrant le minuscule stationnement d'un petit restaurant placardé de vieilles
affiches métalliques de Pepsi et de Coca-Cola. Laisse-les passer. S'ils sont
pressés d'aller se tuer, c'est leur affaire.
     
    On n'est pas
obligés de les imiter.
     
    198
    Gérard obtempéra
et immobilisa son véhicule sur l'aire de stationnement. Quand les voitures et
camions

Weitere Kostenlose Bücher