La fuite du temps
était
assis dans son lit, tremblant de peur.
— Qu'est-ce qu'il
y a? lui demanda sa grand-mère.
— J'ai peur tout
seul, grand-mère.
— Mais t'es pas
tout seul. Regarde. Mon oncle Jean-
Louis est à côté.
Tu peux le voir de ton lit, tenta de le raisonner Laurette.
— Viens coucher
avec moi, grand-mère, la supplia le gamin.
— OK. Grand-mère
va aller chercher ses oreillers et elle va venir se coucher avec toi, mais
arrête de crier.
Tu vas réveiller
tout le monde., Sur ces mots, elle retourna en grommelant dans sa chambre
prendre ses oreillers et revint s'étendre dans le même lit que son petit-fils
de six ans. Avant même qu'elle se soit tournée sur le côté, Denis dormait déjà.
Laurette avait
l'impression de venir à peine de se rendormir quand quelque chose la réveilla.
Ce n'était pas un bruit. Plutôt une sensation étrange. Il lui fallut quelques
secondes avant de réaliser que sa robe de nuit était toute mouillée.
— Ah ben bout de
viarge! s'exclama-t-elle à mi-voix.
J'avais ben
besoin de ça. Le petit maudit a pissé au lit!
C'est le fun
encore. Je vais être poignée pour changer tout le lit et pour me changer de
jaquette. Elle se leva en maugréant et alla dans la cuisine pour consulter
l'horloge murale. Trois heures et demie. Elle retourna dans la chambre,
réveilla le petit et le conduisit aux toilettes.
— J'ai pas envie,
grand-mère.
— Vas-y pareil,
lui ordonna-t-elle à bout de patience.
Tu m'arroseras
pas deux fois la même nuit, mon petit verrat!
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Elle retourna
dans la chambre et, dans le noir, elle retira le drap et la couverture souillée
pour les remplacer tant bien que mal par de la literie propre.
— À cette heure,
couche-toi et dors, commanda-t-elle au fils de sa fille.
Si l'enfant
retrouva rapidement le sommeil, sa grand-
mère dut attendre
près d'une heure avant de se rendormir.
Quand Gérard vint
la réveiller un peu après six heures, elle eut l'impression qu'elle venait à
peine de fermer les yeux.
— Comment ça se
fait que t'es allée coucher avec le petit? lui demanda son mari, encore surpris
de ne pas l'avoir trouvée à ses côtés en se réveillant.
— Il s'est
réveillé en criant au milieu de la nuit. Naturellement, toi, t'as rien entendu,
lui reprocha-t-elle. Non seulement il m'a réveillée, ajouta-t-elle, mais en
plus, il a pissé au lit. J'ai dû le faire lever et changer les draps. Je me
sens fatiguée comme si j'avais pas fermé l'oeil de la nuit.
— Tu dormiras
pendant le voyage, se contenta de dire Gérard en se dirigeant vers la cuisine.
— Es-tu malade,
toi? J'ai pas envie de mourir en dormant.
— T'es ben drôle,
laissa tomber Gérard.
Sa femme le
suivit, mit de l'eau dans la bouilloire électrique et prépara le café pendant
qu'il faisait sa toilette.
Après avoir fumé
sa première cigarette de la journée, Laurette alla réveiller son petit-fils et
lui demanda de s'habiller pendant qu'elle lui préparait un bol de flocons
d'avoine.
Quand son mari
sortit des toilettes, frais rasé et bien peigné, elle ne put s'empêcher de lui
faire remarquer: — As-tu regardé dehors? On dirait qu'il va mouiller.
— Ben non, c'est
juste un peu nuageux, voulut-il la rassurer. Ça va s'éclaircir. On déjeune et
on s'en va. Je veux!95
partir le plus de
bonne heure possible pour qu'il y ait pas trop de trafic.
À sept heures
trente, le conducteur inexpérimenté piaffait déjà d'impatience. Il avait chargé
des couvertures, des oreillers, un sac de vêtements chauds et une boîte de
nourriture dans le coffre de la Chevrolet. Il attendait que sa femme ait
terminé de laver la vaisselle du déjeuner pour se mettre au volant.
— Fais-tu exprès
pour traîner, cybole? finit-il par lui demander d'une voix excédée en rentrant
dans la maison pour la cinquième fois. Je t'ai dit que je voulais partir de
bonne heure.
— Whow! Les
nerfs! Je suis tout de même pas pour laisser la maison à l'envers avant de
partir, répliqua-t-elle, agacée.
Quelques minutes
plus tard, Laurette quitta l'appartement, précédée par un Denis bien réveillé.
Elle fit asseoir son petit-fils sur la banquette arrière avant de prendre place
aux côtés de son mari qui mit le moteur en marche.
— Roule pas trop
vite pour pas faire peur au petit, ordonna-t-elle à son mari.
En réalité, elle
pensait plutôt à elle en
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