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La fuite du temps

La fuite du temps

Titel: La fuite du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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sa femme qui venait d'entrer dans la cuisine. Cette dernière, l'air
catastrophé, venait de brancher la bouilloire.
     
    — Puis? lui
demanda-t-il. Est-ce que c'est une dent d'en arrière? — Pantoute. Tu sais ben
qu'il m'en reste juste deux en arrière. Regarde! lui ordonna-t-elle
rageusement. Il a fallu que ce soit une dent d'en avant. A cette heure, maudit
verrat, je suis poignée avec un trou juste devant.
     
    — T'auras juste à
pas sourire et à avoir l'air bête, suggéra-t-il. Comme ça, personne va
remarquer qu'il te manque une palette en avant.
     
    — T'es ben drôle,
Gérard Morin.
     
    À cet instant
précis, le ciel fut traversé par plusieurs éclairs accompagnés de roulements de
tonnerre assourdissants.
     
    Puis, quelques
grosses gouttes de pluie vinrent frapper le toit de tôle du hangar.
     
    — Bon. Dis-moi
pas qu'il va enfin mouiller, fit Gérard en s'approchant de la
porte-moustiquaire. Ça va peut-être rafraîchir un peu le temps.
     
    A peine venait-il
de prononcer ces paroles, que le ciel ouvrit ses vannes et une pluie diluvienne
se mit à tomber bruyamment. En quelques instants, l'eau forma un véritable
rideau que venaient embraser des éclairs de plus en plus nombreux. Un véritable
orage se déchaînait. Gérard
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    se déplaça
jusqu'à la porte d'entrée pour voir l'effet de cette pluie dans la rue Emmett,
pendant que sa femme préparait deux tasses de café soluble.
     
    — Tu devrais voir
comment ça tombe, lui dit-il en revenant s'asseoir au bout de la table, dans la
cuisine. On a de la misère à voir de l'autre côté de la rue.
     
    — Ayoye! gémit
Laurette en appuyant fortement une main sur sa bouche après avoir bu une
première gorgée de café.
     
    — Qu'est-ce qu'il
y a? — Ça fait mal, se plaignit-elle.
     
    — Montre-moi donc
ça pour voir, lui ordonna-t-il en s'approchant.
     
    Elle ouvrit la
bouche et lui montra l'endroit où se trouvait encore l'une de ses incisives
quelques minutes auparavant.
     
    — Je comprends
que ça te fasse mal, dit-il. Ta dent a cassé juste au ras de ta gencive. Pour
moi, le nerf est pas mort. Que tu le veuilles ou pas, tu vas être obligée
d'aller chez le dentiste pour te faire arracher ça.
     
    — Arrête donc,
toi! Tu penses tout de même pas que je vais aller payer un dentiste pour ça. La
dent est partie.
     
    — Elle est pas
toute partie.
     
    — J'ai jamais eu
à aller en voir un et c'est pas aujourd'hui que je vais commencer,
s'entêta-t-elle.
     
    — Fais à ta tête
de cochon, comme d'habitude, dit Gérard. Quand t'auras eu assez mal, tu vas ben
te décider à te grouiller. Quand on te parle de dentiste, tu deviens lâche sans
bon sens.
     
    — Je suis pas
lâche, tu sauras, s'emporta sa femme. Mais je vois pas pourquoi j'irais
dépenser mon argent pour rien.
     
    — C'est ça. T'as
raison, encore une fois, ajouta-t-il, sarcastique. Endure d'abord et plains-toi
pas!
     
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    Gérard Morin
s'était toujours méfié des médecins et, depuis sa tuberculose, il s'en était
tenu le plus loin possible, comme s'ils avaient été en partie responsables de
sa maladie.
     
    Pourtant, cette
méfiance n'avait rien de commun avec la peur instinctive que sa femme éprouvait
à l'égard des dentistes qu'elle n'avait pourtant jamais fréquentés. Au fil des
ans, chaque fois qu'une dent lui faisait mal, elle trouvait le moyen de
l'ébranler et de l'extraire avec un fil.
     
    Au moment où le
père de famille allait s'enfermer dans les toilettes pour se raser et se laver,
Carole sortit de sa chambre.
     
    — Vous faites ben
du bruit de bonne heure à matin, sacrifice! se plaignit-elle en fourrageant
dans ses cheveux emmêlés. Il est même pas encore cinq heures et demie.
     
    — Je me suis
cassé une dent d'en avant, dit sa mère sur un ton misérable. En plus, la racine
est restée.
     
    — Vous aurez pas
le choix, m'man. Vous allez être obligée de la faire ôter. Allez chez Duval,
au-dessus de la pharmacie Charland. Je vous le dis qu'il vous fera pas mal et
en plus, il charge pas cher.
     
    — Ça me tente pas
pantoute, déclara sa mère sur un ton sans appel.
     
    — Ça vous regarde,
m'man. Si vous aimez mieux souffrir, c'est votre affaire.
     
    Là-dessus, la
jeune fille rentra dans sa chambre et se remit au lit.
     
    Gérard, sa fille
et son fils partirent tour à tour au travail au début de l'avant-midi sous un
véritable déluge. Le parapluie dont chacun s'était muni n'offrait guère de
protection devant

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