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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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vite avec ça, car ils étaient souples et malins. On cache un petit morceau de viande, en général du foie, au niveau du cou du comédien – ou de la main, de la jambe, serré dans un foulard, une chaussette, une manche – et, comme l’animal est dressé pour aller chercher la viande sans blesser l’acteur, il lui saute dessus pour le renverser, en faisant mine de le saisir à la gorge – à la jambe ou au bras – alors qu’en réalité il cherche juste l’appât. Comme Barney l’avait dit à juste titre, Brutus et Néron n’avaient guère besoin du petit bout de viande, ils auraient pu faire tomber un homme à mon simple commandement. Ils étaient en effet passés maîtres dans l’art d’exécuter ce tour. Mais ça n’était rien de plus qu’un tour ! Et même si cela pouvait surprendre le Grand Méchant, le secouer – et qui ne le serait en voyant deux chiens lui sauter à la gorge ! –, cela ne lui ferait pas beaucoup de mal. C’était un piètre châtiment pour toutes les souffrances et tortures qu’il avait infligées. Mais Barney était un enfant, ai-je songé, et celui lui suffisait peut-être.
    La vengeance est un jeu dangereux.
    Plein de doutes, je suis retourné à l’intérieur du théâtre en attendant que Barney vienne nous chercher, lorsqu’il serait sûr que le Gros Lard était bien là. La salle n’était encore qu’à demi pleine, et à demi intéressée par les exploits sanglants qui se déroulaient sur scène – une histoire de bandit de grand chemin, je crois, en raison de la cape et de la voix rugissante de l’acteur principal. Quand, à la fin, les comédiens se sont approchés du bord de la scène pour saluer, personne ne s’en est aperçu. Les gens étaient bien trop occupés à se disputer et à faire tourner des pichets de genièvre ou de bière, à héler leurs amis qui s’engouffraient par la porte. La salle se remplissait à mesure que des vagues de garçons et de jeunes gens se succédaient. Si nous partions maintenant, ai-je songé, en nous mêlant à la foule, personne n’y verrait rien, et nous ne serions plus mêlés à cette histoire. Le garçon se sentirait certes abandonné, mais il aurait d’autres occasions de venger son père. Qui seraient certainement plus efficaces qu’un simple numéro de cirque. Quant à moi, je pourrais chercher conseil auprès de Will et de Trim, et enfin me résoudre à faire traduire ce monstre devant la justice.
    Mes chiens et moi nous sommes approchés de la porte, mais elle a aussitôt été prise d’assaut par une foule qui voulait entrer, et nous a donc repoussés. La salle était bondée. Un vieux truc, dans ce genre d’établissements : si le public n’a pas la place de bouger, il n’a pas la place de se battre ! Ni la possibilité de fuir, d’ailleurs. Une fois qu’on y était, on n’en sortait plus. Dieu nous préserve en cas d’incendie !
    Un accord du pianiste, et un présentateur au visage rouge a surgi en levant les mains pour réclamer le silence (sans le moindre effet), s’écriant au-dessus du brouhaha :
    « Et maintenant, pour conclure ce spectacle de qualité, La Petite Merveille, Miss Topsy Truelove, qui va interpréter une chanson comique et danser une scottish. »
    Encore une gosse sur scène. Elle est arrivée en trébuchant, puis a fait une profonde révérence. Gauche et grassouillette, pas plus de sept ans, elle s’est forcée à sourire de toutes ses dents, prenant la pose, coquette, en une parodie grotesque, s’arrêtant pour compter jusqu’à cinq ou dix, et terminer en s’inclinant à nouveau comme si elle avait fait ça toute sa vie. Le public a rugi, tapé des pieds, se poussant et échangeant des coups, dans un déchaînement d’hilarité devant son propre esprit. Brutus, Néron et moi rasions le mur, restant aussi loin de la scène que possible malgré la presse, derrière un groupe de jeunes, qui nous a dissimulés lorsque le Grand Méchant a franchi la porte, flanqué d’un autre type. Aussi gros qu’une dinde trop bien nourrie dans son pardessus clair et son gilet rouge, il a joué des coudes à travers la masse. Sa réputation l’avait précédé, car les jeunes qui se retournaient, prêts à en découdre, le poing déjà levé, en le reconnaissant redevenaient aussitôt inoffensifs. Son compagnon était plus petit et s’accrochait à ses basques en silence, comme une bernique, ne montrant de l’intérêt que quand la petite fille a commencé à chanter, et

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