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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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En outre, je veux que tu me trouves sans tant languir une cordelette
de chanvre d’une bonne toise de long.
    — Eh quoi, Monsieur le Comte ? La mission finie,
allez-vous tout de gob pendre le misérable ?
    — Fi donc ! C’est mal user de ton imagination,
Nicolas !
    Procure-moi dès demain cette cordelette. Je t’en dirai
l’usage.
    — Je le ferai, Monsieur le Comte. Me voudrez-vous, une
fois de plus, pardonner mon indiscrétion ?
    — Je te la pardonne, Nicolas et du bon du cœur. Mais
n’y reviens pas, ajoutai-je, sachant fort bien qu’il n’y faillirait pas.
    Mais voyant mon béjaune encore quelque peu déconfit, je lui
dis :
    — Qu’en est-il de la cour que tu fais à Mademoiselle de
Foliange ?
    À ce nom, ses yeux s’illuminèrent, puis tout aussitôt
s’assombrirent.
    — Hélas ! Monsieur le Comte ! Je la vois fort
peu. Et toujours en présence de Madame de Bazimont qui, à elle seule, vaut bien
tous les janissaires du Grand Turc ! C’est à peine si je peux entretenir
Mademoiselle de Foliange de sa santé. Tout est prohibé : sourires,
œillades, propos plaisants, compliments et bien sûr aussi, ces riens qu’on dit
quand on s’aime.
    — Et que fait la belle tout le temps que tu es là et
que dit-elle ?
    — Elle ne dit rien. Elle demeure close et coite.
    — Quoi ? Pas un petit regard en dessous ? Pas
un petit battement de cils ? Pas un soupir ? Pas la moindre
rougeur ?
    — Si fait, Monsieur le Comte, pour la rougeur, il y en
a deux : une à notre encontre et une à notre départir.
    — Eh bien ! Cela suffit ! Elle t’aime !
Tout le reste est le genre de petites grimaces chattemites qu’on enseigne aux
filles au nom de la pudeur. Il ne faut pas t’y arrêter. Pour moi, je l’ai
trouvée, au déjeuner, bien rebiscoulée de sa famine.
    — Rebiscoulée ? dit Nicolas avec feu. De grâce,
Monsieur le Comte ! Rebiscoulée n’est pas le mot qui convient ! Elle
est belle à damner un ange !
    — Nicolas, tu oublies la théologie des bons pères. Les
anges ne sauraient se damner pour une fille d’Ève, n’ayant pas de sexe…
    Mais autant essayer de faire sourire un mandarin de Chine.
Mon Nicolas était grave, tendu et désolé. Depuis l’advenue de Mademoiselle de
Foliange dans nos murs, peu lui chalaient le siège et la digue de La
Rochelle ! Il pâtissait du supplice de Tantale : avoir ce beau fruit
à portée de la main et ne pouvoir y mordre.
    Ah ! m’apensai-je. Voilà bien les hommes ! À
chacun son rêve, son projet, son souci ! Mon pauvre Nicolas est tout
fièvre et impatience que revienne le roi au camp afin de se pouvoir marier. Et
moi, je suis sur des épines d’avoir à attendre tant de jours et tant de nuits
avant que la nouvelle lune m’apporte la pénombre propice à ma mission.
    Cependant, rien n’est sûr, hormis la mort, en notre terrestre
vie : mon attente fut réduite à rien. Dès que je mis le pied dehors en la
matinée qui suivit cet entretien avec Nicolas, je trouvai un brouillard si
épais, si poisseux et si noir que c’est à peine si je pus distinguer au bas du
perron de vagues ombres gigantesques qui me parurent être Hörner, Nicolas et
nos chevaux sellés.
    —  Herr Graf ! dit Hörner, d’une voix qui me
parut lointaine et comme feutrée, si vous allez ce matin à Pont de Pierre voir
Monsieur le Cardinal, prenez garde au chemin du camp : vous n’y verrez
homme ou bête avant que de buter sus.
    Il disait vrai. Fort heureusement, par peur de se heurter,
chariots, chevaux et fantassins avançaient avec une lenteur d’escargot. Comme
je l’avais remarqué, leurs ombres, à leur approche, paraissaient gigantesques.
Ils faisaient aussi infiniment moins de noise qu’à l’accoutumée, tant la sorte
d’étoupe dans laquelle nous étions enveloppés étouffait les bruits.
    À Pont de Pierre, je ne trouvai que Charpentier, lequel
m’annonça que le cardinal, bravant une fois de plus les intempéries, était
départi pour la digue tant il craignait qu’en ne le voyant pas, on cesserait
d’y travailler. Il avait laissé pour moi des instructions. Si ce même opaque
brouillard persistait jusqu’à la nuit, je devais, sans attendre la nouvelle
lune, faire la reconnaissance de terrain que je savais avec Bartolocci, lequel,
sur l’ordre qu’on lui avait donné, m’attendait en son gîte sur les neuf heures
de l’après-dînée en compagnie de Monsieur de Clérac. Celui-ci devait nous
accompagner jusqu’à

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