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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la première tranchée royale, à la porte de Maubec, pour y
faciliter, auprès du commandant de la compagnie, notre département et notre
retour.
    Je pris sans tant languir congé de Charpentier, caressant au
passage la nuque du chat cardinalice qui me parut, sinon rebroussé, du moins
étonné par cette familiarité. Et je m’en retournai non sans mal et quasi à
tâtons à Brézolles, où je pris le parti, l’ayant appelé dans ma chambre, de
consulter Hörner sur ma mission, ayant toute fiance en sa discrétion, et me
ramentevant l’embûche de Fleury en Bière qu’il avait déjouée par des
dispositions si sages qu’elles montraient assez qu’il « savait bien la
guerre », comme disait Henri IV.
    Avec sa roide et méticuleuse politesse, Hörner commença par
me demander la permission de me donner les conseils que je sollicitais de lui.
    —  Erlauben Sie mir, Herr Graf, Ihnen
einen Rat zu geben [51] .
    J’acquiesçai, et il me donna, non point un conseil, mais
plusieurs, et tous judicieux. Primo , de n’avoir point sur ma vêture, de
préférence sombre ou noire, quoi que ce fût qui luisît ou brillât. Secundo, de
ne pas chausser, pour cette expérience, mes bottes à la candale dont les larges
entonnoirs, si je venais à quitter les sentiers des anciens marais, admettraient
l’eau et la boue en quantité. Tertio , que je devais leur préférer mes
hautes bottes, moins propres sans doute à la marche, mais serrées au genou et,
par là, davantage hermétiques. Quarto, qu’il avait baillé pour moi à
Monsieur le chevalier de Clérac (il n’appelait jamais autrement Nicolas) une
cordelette longue de deux toises, ce qui lui avait donné à penser que, le
saulnier marchant devant moi dans le noir, je songeais à l’encorder pour ne le
point perdre, ou plutôt pour qu’il ne me perdît pas.
    — Va pour les hautes bottes, Herr Hörner, et
pour l’encordement. Est-ce bien tout ce que vous me recommandez ?
    À quoi, ayant réfléchi un petit, Hörner répondit :
    —  Herr Graf, ce saulnier étant ce que vous
dites, la première précaution à prendre quand vous entrerez dans sa masure est
de le faire fouiller des pieds à la tête par votre écuyer. Vous serez ainsi
assuré qu’il ne porte pas, caché sur lui, un cotel dont il pourrait, dans le
noir, vous navrer.
    — La grand merci à vous, Herr Hörner, je crois
que cela sera tout.
    —  Herr Graf, dit Hörner, darf ich eine andere
Frage stellen [52]  ?
    — Volontiers.
    — La masure du saulnier ne comporte sans doute pas
d’écurie.
    — C’est peu probable.
    — Tant est que Monsieur le Chevalier, pendant votre
mission, gardera seul votre monture et la sienne propre dans la rue. Das ist
sehr gefährlich [53] . J’ai ouï dire que, maugré la
bonne discipline du camp, il s’y perpètre la nuit quelques roberies de chevaux
accompagnées de violences.
    — En effet, dis-je, et en moi-même souris, sachant où
Hörner allait en venir.
    — Mon rollet, Herr Graf, reprit-il gravement et
en se redressant de toute sa taille, est de veiller céans sur vos sûretés,
celle des vôtres et sur vos biens.
    — Et vous voudriez, cette nuit-là, veiller sur
Nicolas ?
    — Et aussi sur vos chevaux, Herr Graf.
    —  Et comment ?
    — Moi-même et trois de mes Suisses suffiront.
    — La grand merci à vous, Herr Hörner. Nous départirons
donc de compagnie sur le coup de huit heures de l’après-dînée.
     
    *
    * *
     
    Un peu avant huit heures arrivèrent à Brézolles le capitaine
de Clérac, pour la raison que l’on sait, suivi, monté sur sa mule, par le père
Joseph, lequel était le seul à nous pouvoir conduire jusqu’à la masure de
Bartolocci. Ce qui, avec Hörner et ses Suisses et Nicolas, portait à huit le
nombre des cavaliers. Madame de Bazimont, tout émue de se trouver avec tant de
beaux hommes, nous offrit, avant notre partement, « le coup de
l’étrier » que tous acceptèrent avec gratitude, sauf le père Joseph qui
demanda de l’eau. Mais comme celle du château de Brézolles coulait de source,
fraîche et goûteuse, il la but avec un si visible plaisir que je me demandai
s’il ne péchait pas, lui aussi, par gourmandise… Certes, s’il l’avait su, sa
scrupuleuse conscience le lui aurait reproché. Par bonheur, il ne s’apercevait
jamais de ces petits plaisirs à vivre qu’il goûtait quotidiennement, comme par
exemple les caresses et les mots tendres qu’il prodiguait à sa mule, l’appétit,
si

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