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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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demandait ce que ses mains pouvaient découvrir en les palpant. À
quoi, levant la tête, il me jeta un œil pour quérir de moi un conseil. Mais,
comme je demeurai bouche cousue, il envisagea Hörner qui, en retour, le
considéra froidement. Tant est que Nicolas adressa à la parfin un regard de
détresse à son aîné. Et là, la fibre fraternelle fut touchée. Le capitaine de
Clérac lui dit, sur un ton grondeur qui ne trompa personne :
    — Béjaune que tu es ! Quand tu as quelque chose
qui te gêne dans ta botte, que fais-tu ?
    — J’enlève la botte et j’en tâte le fond.
    — Eh bien ! Qu’attends-tu, coquefredouille ?
    Nicolas se révéla alors plus vif et expéditif dans
l’exécution qu’il ne l’avait été dans la conception. Il se baissa, saisit la
botte droite de Bartolocci et, la serrant fermement de ses deux mains, il
l’éleva à la hauteur de sa taille, ce qui eut pour effet de faire basculer le
saulnier sur la paillasse qui lui servait de lit. Retirer les bottes du coquart
en cette position ne fut plus qu’un jeu d’enfant que Nicolas mena à bien
dextrement.
    — Peste ! dit-il, que ces bottes me puent !
    Toutefois, il plongea vaillamment la main dans l’une et
l’autre, et dans la senestre – preuve que Bartolocci était gaucher –
il découvrit, cousu à l’intérieur de la tige, un étui dont il tira un cotel de
belle taille, fort pointu et fort bien aiguisé.
    — Bartolocci, m’écriai-je, tu as menti ! Tu
possédais une arme ! Et qui pis est, elle était dissimulée !
    — Monsieur le Comte, dit Bartolocci, pâle mais non
défait, ce n’est pas une arme ! C’est un couteau pour ouvrir les
huîtres !
    — Tu te moques, je pense ! Un couteau à huîtres
n’a pas besoin d’être si long ni si bien effilé ! Qu’en pensez-vous,
Hörner ?
    — C’est un perce-bedaine, dit Hörner.
    — Monsieur le Comte, dit Bartolocci, tous les saulniers
portent sur eux ce genre de cotel. Sans lui, on ne vivrait pas longtemps en
cette corporation.
    — Et avec lui, dis-je, on ne fait pas non plus de vieux
os. Bartolocci, je vais devoir te priver de cette arme, au moins le temps de
notre expédition.
    Cela dit, je pris alors le cotel par la pointe, et le
balançant au-dessus de mon épaule, je le lançai à la volée. Il s’alla ficher en
vibrant dans la poutre la plus haute de la masure, ce qui, comme bien je m’y
attendais, inspira à Bartolocci le plus grand respect pour moi et d’autant
qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée qu’un gentilhomme pût « lancer le
cotel » : talent que néanmoins je possédais, l’ayant appris par jeu
du chevalier de La Surie en mes vertes années.
    Je laissai Hörner, ses Suisses et Nicolas à la garde des
chevaux, et pris dans la plus noire des nuits le chemin de la première
tranchée, cheminant, quasi en aveugle, le capitaine de Clérac à ma senestre et
Bartolocci à ma dextre, déjà encordé autour de la taille, l’extrémité de la
corde tenue fermement en ma main. Pendant tout ce trajet, guidé par Clérac qui
connaissait mieux que personne le labyrinthe des tranchées royales, je tombai,
chose étrange, en grand pensement de Madame de Brézolles, lequel me fit grand
mal. Sept mois s’étaient déjà écoulés depuis son partement pour Nantes et que
n’eusse-je donné pour la revoir !
    Il m’apparut, après coup, bien étonnant qu’au moment
d’affronter une si traîtreuse aventure, j’eusse eu en la cervelle cette
pensée-là. Laquelle, cependant, de mélancolique qu’elle était de prime, à la
parfin, me conforta. Car, par une curieuse superstition dont les amants sont
coutumiers, je me dis que si je surmontais la présente épreuve, le ciel me
récompenserait en me donnant la joie de revoir ma belle.
    Tandis que cette rêverie me passait par l’esprit, je restai
néanmoins très attentif au chemin que nous prenions et très présent au péril de
l’heure. J’eus la surprise de trouver Du Hallier dans la première tranchée,
lequel faisait une inspection pour s’assurer que ses veilleurs veillaient.
Inspection qui pouvait se terminer fort mal pour d’aucuns. S’il les trouvait
défaillants, les étrivières. S’ils récidivaient, la mort.
    Le secret avait été si bien gardé que Du Hallier ignorait
tout de ma mission, le capitaine commandant la tranchée étant le seul à la
connaître. Il me dit à l’oreille le mot de passe qui me permettrait, au retour,
d’être reçu par la garde

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