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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aux anciens saulniers de s’approcher à la nuitée de
la muraille jouxtant la porte Maubec et d’y faire, par la façon que j’ai dite,
leurs petits bargoins avec ceux des assiégés qui, de leur côté, étaient assez
hardis pour braver, eux aussi, la hart, aimant mieux, comme avait si bien dit
le cuisinier de Madame de Rohan, « mourir pendu que mourir de faim ».
    — Bartolocci, dit Richelieu d’un ton vif et pressé, si
j’entends bien, on ne peut parvenir jusqu’à la porte Maubec sans être guidé par
un saulnier.
    —  Certamente, Vostra Eminenza.
    —  La question qui se pose alors est
celle-ci : es-tu volontaire pour servir de guide en cette expédition ?
    —  Ma certo ! dit Bartolocci avec chaleur, ma
si, Vostra Eminenza ! Ma si, per l’amor de Dio [46]  !
    — Tu auras donc ta grâce et ton sauf-conduit, dit le
cardinal. Mais en attendant la date que je choisirai pour l’assaut, tu feras,
par nuit noire, une reconnaissance jusqu’à la porte Maubec avec un de mes
officiers.
    À ce commandement, fort bizarrement, Bartolocci baissa les
yeux et s’accoisa. Ce silence me laissa béant. Tant d’enthousiasme pour être
notre guide pendant l’assaut et tant de réticence pour faire une simple
reconnaissance, laquelle comportait pourtant beaucoup moins de périls…
    — Eh bien, Bartolocci ? dit Richelieu en
l’envisageant œil à œil avec sévérité, et lui parlant avec une rudesse qui
laissait entendre en toute clarté que si notre homme se dérobait, le pacte
était rompu.
    —  Vostra Eminenza , dit Bartolocci, si je fais la ricognizione del terreno [47] , vous me donnez la
grazia e la salvacondotto ?
    —  Assurément, dit Richelieu.
    Bartolocci releva alors la tête et envisagea le cardinal
avec un regard qu’il s’efforçait de rendre franc et sincère.
    —  Allora, dit-il, sono
d’accordo por la recognizione, Vostra Eminenza [48] .
    —  Charpentier, dit le cardinal qui voulait
couper court à ce déplaisant entretien, raccompagne chez lui il signor Bartolocci.
    Il poussa un petit soupir quand l’huis fut reclos sur le
saulnier et dit :
    — Hélas, la guerre, comme la politique, vous contraint
parfois à employer des outils qui, à y mettre la main, ne sont pas trop
ragoûtants. Ce saulnier m’inspire à peu près autant de fiance qu’un serpent
venimeux. Il se peut toutefois qu’il dise vrai et qu’il nous faille explorer
cette voie. Cependant, je ne voudrais pas employer à cette tâche un officier
des armées du roi. Ils sont braves, assurément mais, comme tous les guerriers,
ils aiment se rincer la bouche de leurs propres exploits. Or, vous entendez
bien que le secret, dans cette affaire, est importantissime. Messieurs,
voyez-vous quelqu’un que vous connaissiez et à qui on pourrait confier cette
reconnaissance du terrain ?
    — Mais à nous, par exemple ! dit promptement le
père Joseph qui connaissait si bien le cardinal qu’il devinait ses pensées
avant même qu’il les exprimât.
    — Et pourquoi pas ? dit Monsieur de Guron.
    — Et pourquoi non ? dis-je en écho.
    — Messieurs, je vous remercie, dit Richelieu. Lequel de
vous serait volontaire pour cette tâche ?
    Trois mains se levèrent aussitôt. Richelieu nous envisagea
l’un après l’autre œil à œil. Son inspection terminée, il ferma les yeux, puis
après un petit moment qu’il se donna pour réfléchir, il les rouvrit et
dit :
    — Je choisis Monsieur d’Orbieu : il est le plus
jeune des trois.
    Ce qui voulait dire – sans le dire – que le père
Joseph était trop fragile et Monsieur de Guron, pas assez agile, vu son poids
et sa bedondaine. C’est ainsi que, pour la première fois depuis que je servais
le roi, je passai des missions diplomatiques, qui étaient mon lot ordinaire, à
une mission militaire.

 
CHAPITRE IX
    Dans les jours et les nuits qui suivirent, je fus fort
tracassé en mes mérangeoises par la perspective de cette reconnaissance par
nuit noire, sur un terrain marécageux et sans l’aide, bien sûr, d’une lanterne dont
la lueur m’eût aussitôt désigné aux mousquetades des huguenots.
    Le chemin à parcourir entre la première tranchée royale et
les murailles de La Rochelle n’excédait pas cent cinquante toises [49] , distance qu’on eût pu, en plein
jour, franchir en quelques minutes, mais s’agissant de sentiers quadrillant
irrégulièrement d’anciens marais salants devenus marécages, la marche pour s’en
tenir au sentier

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