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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sa vie, la flotte de son roi. Et ses capitaines ne vont
assurément pas l’encourager à attaquer. Nous avons accumulé tant d’obstacles
dans la baie et une telle puissance de feu qu’ils verront du premier coup d’œil
qu’il leur sera très difficile d’y entrer, et s’ils y entrent, encore plus
difficile d’en sortir.
    Ayant dit, Richelieu fit une pause, et ayant par ce silence
ressaisi l’attention de son souverain, il reprit sur un autre ton :
    — Mais d’un autre côté, Sire, si Lord Denbigh est plus
fol que sensé et plus vaillant que prudent, il peut présumer de sa bonne
étoile, mépriser les infinis obstacles que je viens de dire, et décider
d’attaquer. Dans ce cas, Sire, j’aimerais monter sur un de vos navires afin de
suivre le déroulement de la bataille navale et en tirer des conclusions pour le
renouveau de votre marine.
    — Et moi, dit Louis avec véhémence, je vous commande et
vous conjure au nom de Dieu de ne vous mettre point en lieu que vous puissiez
courre péril. C’est le plus grand témoignage d’affection que vous me puissiez
donner que d’avoir soin de vous, car vous savez ce que je vous ai dit plusieurs
fois : que si je vous avais perdu, il me semblerait être perdu moi-même.
    — Ah, Sire ! dit Richelieu.
    Mais il ne put en dire davantage, Louis lui tournant le dos
et s’éloignant à grands pas, sans doute parce qu’il éprouvait de l’embarras de
s’être laissé aller à cet épanchement. Quant à moi, ayant jeté un œil au
cardinal, et le voyant au bord des larmes, quasi trémulant de la félicité que
lui avait apportée le témoignage de gratitude et d’affection de son maître, je
noulus en être le témoin indiscret, et m’effaçant en silence, je le laissai
seul et suivis le roi, mais prenant grand garde de ne le rattraper point, pour
le laisser, lui aussi, à ses émeuvements.
    Mais, lecteur, combien merveilleux et généreux me parut, à y
réfléchir plus outre, cet hommage de roi au dévouement sans faille et à
l’immense labeur de son ministre ! Et dans quels termes il
s’exprima : « Que si je vous avais perdu, il me semblerait être perdu
moi-même. » Cette phrase si touchante en sa filiale affection, et si
admirable par son humilité, sera enfermée à jamais dans le clos de ma
remembrance, et je l’écris ici – en fait, je l’écris deux fois – pour
qu’elle apporte un démenti adamantin aux propos des clabaudeurs de Cour qui,
inspirés par les haineuses insinuations des vertugadins diaboliques, allaient
répétant dans les couloirs du Louvre que le roi n’était « qu’un idiot
gouverné par un tyran ».
     
    *
    * *
     
    Le lecteur se ramentoit sans doute le marquis de Bressac,
dont je barguignais d’ordre du roi la rançon avec les huguenots – bargoin
qui, le jour même où la flotte anglaise apparut dans le permis breton, fut
rompu par Sanceaux, ivre d’arrogance à la pensée que La Rochelle allait être
délivrée par la reine des mers.
    Ladite flotte, cependant, après huit jours d’attente,
s’étant retirée sous ses voiles sans engager le combat – ce qui prouvait
son émerveillable bon sens –, la négociation avec le corps de ville fut
reprise, et l’accord s’étant fait sur le montant de la rançon, le marquis de
Bressac à la parfin saillit hors des murs, se jeta sur moi plein de gratitude,
me serra contre lui à l’étouffade et me jura une amitié plus belle, plus
éternelle et plus adamantine que celle d’Achille pour Patrocle ou d’Oreste pour
Pylade. Je sortis moulu et meurtri de ses embrassements, Bressac étant en son
être physique un homme géantin, les épaules musculeuses, les jambes comme des
colonnes et, que je le dise enfin, une face barbare et barbue. Mais sous cette
rude écorce se cachait une âme généreuse et un grand amour pour l’humanité.
    Il était fils de huguenot converti, le cotel sur la gorge,
au catholicisme, et, quoique lui-même aussi bon catholique qu’on peut l’être,
il avait gardé pour la religion réformée une tendresse quasi filiale qui étonna
de prime ses geôliers, mais qui les toucha fort, dès qu’ils en connurent la
cause.
    Ce géantin marquis était fort aimé de trois femmes : sa
mère, sa sœur et son épouse, lesquelles, dès qu’elles surent qu’il était
captif, lui expédièrent sans se concerter des colis de vivres. Ils furent, à
l’entrant dans les murs, ouverts et fouillés par les Rochelais, à seule fin
d’acertainer

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