Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
flotte anglaise devra s’attaquer à la flotte royale.
    De grands rires accueillirent ces propos.
    — Monsieur le Marquis, vous vous gaussez : la
reine des mers ne fera qu’une bouchée de cette petite escadre de merde.
    De nouveau, je fus béant de ce propos (que j’ai ouï répéter
plusieurs fois au cours de mes promenades sous surveillance dans le port et la
ville). Apparemment, les Rochelais ne savaient pas, ou bien le corps de ville
ne voulait pas qu’ils sussent, que cette « petite escadre » n’était
qu’une sentinelle, le gros de la flotte royale se trouvant mouillée, partie à
Brouage, et partie dans le nouveau port créé par le roi à Fort Louis, mais
armée, prête à appareiller pour venir renforcer la « petite
escadre », dès lors que les canons de l’île de Ré lui auraient annoncé que
les voiles anglaises étaient apparues dans le permis breton.
    Encore une fois, lecteur, je doute fort que cette
appréciation absurdement confiante de la situation rochelaise fût celle du
maire Guiton et du corps de ville. Et je crois, tout au rebours, qu’ils la
communiquaient au peuple rochelais pour les encourager à supporter leur
terrible famine avec assez d’espoir. Le malheur, le très grand malheur, c’est
qu’ils tenaient aux Anglais le même langage, afin de les encourager à les venir
secourir, leur assurant même, entre autres choses fausses, que la flotte
française devant La Rochelle était très « dégarnie ».
    — On a beaucoup dit en France, poursuivit Monsieur de
Bressac, et en Angleterre aussi – en Angleterre surtout où le roi Charles
lui chanta pouilles à son retour –, que Lord Denbigh s’était lâchement
comporté en demeurant une semaine devant la baie de La Rochelle sans rien
tenter. Je ne partage en aucune façon ce sentiment. Assurément, poursuivit-il,
il était insensé de la part de Buckingham de choisir, pour commander cette
flotte ledit Lord qui n’avait jamais navigué. Mais il avait pour le conseiller
à ses côtés, non seulement les capitaines des vaisseaux, mais un vrai
marin : Sir Henry Palmer, lequel, en arrivant devant la baie de La Rochelle,
fut atterré d’y trouver de prime une flotte redoutable, plus loin des
palissades aussi difficiles à contourner qu’à détruire, et plus loin encore une
haute digue debout, quoi qu’on lui en ait dit, et garnie de canons. Et comme si
cela n’était pas suffisant, des deux côtés de la baie – dans laquelle ils
devaient louvoyer entre les obstacles – des forts et des redoutes dont les
batteries n’étaient que trop impatientes d’en découdre avec eux. De leur côté,
les capitaines des grands vaisseaux du roi Charles, béants de trouver en face
d’eux le double de leur nombre, ne manquèrent pas de dire haut et fort qu’il
serait fort absurde de perdre une flotte de Sa Majesté pour apporter à peine un
mois de vivres aux Rochelais…
    Je ne voudrais pas que le lecteur croie que les Anglais
départirent le cœur léger sans avoir rien tenté. Mais enfin ils mirent sous
voiles le soir du dix-neuf mai et s’engagèrent dans le pertuis breton pour s’en
retourner en leur île.
    D’après ce que me conta plus tard My Lady Markby, Sir Henry
Palmer, dont elle avait été l’intime amie et confidente, fut un des premiers à
conseiller à Lord Denbigh de ne point aller fourrer sa flotte dans cette nasse
piégeuse et redoutable qu’était devenue la baie de La Rochelle : nasse
dont il était douteux qu’on pût sortir, si même on avait réussi à y pénétrer.
Elle me conta aussi que le soir du départir de la flotte anglaise, Sir Henry
Palmer, debout sur la dunette arrière du vaisseau amiral, regardait avec
malaise et compassion diminuer à l’horizon les tours et les remparts de la
pauvre ville que la flotte anglaise abandonnait de force forcée à sa famine,
rapportant dans ses cales les vivres, dès lors inutiles, qu’elle avait eu le
généreux dessein de lui apporter.
    Belle lectrice, touchant cette expédition anglaise, j’ai à
vous conter meshui un épisode, si petit et si absurde dans son origine, mais si
funeste dans ses conséquences, qu’il me laissa durablement en les mérangeoises
une indignation et une colère telles et si grandes, que même à ce jour, quand
je m’en ramentois, mes poings se crispent, ma gorge se serre et à peu que les
larmes ne me viennent aux yeux.
    Voici ce qu’il en fut. Lord Denbigh, quand il eut décidé,
sous la pression des capitaines

Weitere Kostenlose Bücher