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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et de son vice-amiral, de ne rien tenter contre
les formidables défenses de la baie, écrivit au maire Guiton et au corps de
ville une lettre qu’un hardi marin rochelais qui se trouvait à son bord réussit
à grand-peine et péril – passant la nuit tous les obstacles de la baie
dans une coque de noix – à porter à destination. Après en avoir d’abord
pris connaissance, Guiton lut cette lettre au corps de ville après avoir exigé
de lui par serment sur la Bible le secret le plus absolu. Lord Denbigh
annonçait aux Rochelais qu’il renonçait, faute de moyens suffisants, à pénétrer
dans la baie, et partant, à les envitailler. En conséquence, il invitait les
Rochelais à traiter avec le roi de France : « Si on vous offre,
disait la lettre, quelque accommodement par lequel vous puissiez vous sauver,
ne le rejetez point, et principalement pendant que nous sommes ici. L’extrémité
en laquelle nous croyons que vous êtes réduits, et le peu de moyens que nous
avons à présent de vous secourir nous amènent bien à contrecœur à vous tenir ce
propos. »
    Après un moment de stupeur et de la plus affreuse
désespérance, Guiton se reprit et décida le corps de ville à mettre deux fers
au feu : on dépêcherait des ambassadeurs au roi Charles d’Angleterre pour
le supplier d’envoyer une expédition plus puissante, et en même temps, on
tâcherait de négocier en sous-main avec le roi de France.
    Or, quelques jours auparavant, un ancien maire de La
Rochelle, Paul Yvon, étant vieil et mal allant, et désirant se retirer, avait
obtenu du corps de ville la permission de saillir hors murs, et du roi, un
passeport qui lui permettrait de traverser la circonvallation pour trouver paix
et pain dans sa seigneurie de Laleu. Guiton quit de Paul Yvon de demander à
Richelieu à quelles conditions le roi accepterait de traiter. Il était convenu
que si ces conditions étaient mauvaises, Yvon reviendrait le dire de vive voix,
et en secret, au corps de ville. En revanche, si elles étaient passables, un
tambour royal apparaîtrait devant la porte de Tasdon pour demander l’entrant.
Si elles étaient bonnes, au lieu d’un tambour, Louis enverrait une trompette.
    Louis et le cardinal saisirent cette ouverture avec
empressement, mais chose à première vue étrange, au lieu d’envoyer devant la
porte de Tasdon un tambour ou une trompette, ils dépêchèrent un tambour et une trompette. Peut-être était-ce là une façon subtile de faire entendre au
corps de ville que les conditions que le roi proposait étaient passables, mais
qu’elles pourraient devenir bonnes, si chacun y mettait du sien. Quoi qu’il en
fut, le mardi six mai, voici notre tambour et notre trompette devant la porte
de Tasdon, l’un tambourinant, l’autre soufflant dans sa trompette. Et c’est ici
qu’intervient, belle lectrice – grain de sable qui enraya la
machine –, le coquart le plus sottard et piaffard de la création :
Sanceaux, ou devrais-je dire plutôt : Cent sots, lequel, oyant le tambour
et la trompette royale, se demanda ce que voulaient dire ce tambour et cette
trompette, sinon que le corps de ville négociait avec l’ennemi, en
secret ! en sous-main ! en tapinois !, et sans lui en avoir soufflé
mot (offense damnable !) à lui Sanceaux, le gardien sacré des murs !…
L’injure faite à son importance enflamma notre homme dans l’instant, et en sa
folle ire, il saisit le mousquet d’un de ses soldats, visa, fit feu, et creva
la caisse du tambour royal, lequel aussitôt, en hâte, se retira, suivi du
trompette. C’était là quasiment un crime de lèse-majesté, et la négociation, à
peine entamée, fut rompue, le corps de ville n’osant ni punir ni destituer
Sanceaux : c’eût été dévoiler à tous le secret de la négociation, y
compris aux pasteurs et à ceux des Rochelais bien nantis qui, ayant encore des
vivres, demeuraient intraitables. Guiton et ses échevins acceptèrent en un
morne silence le fait accompli : le siège fut prolongé de six mois, et,
sinistre conséquence, plus de la moitié de la ville mourut alors de faim. Je
gage que jamais dans l’histoire du monde il se trouva, avant Sanceaux, un homme
pour causer à lui seul, par sa sotte infatuation, la mort de tant de gens.
    Deux semaines après la mousquetade qui creva la caisse du
tambour royal, mon personnel et particulier destin prit une tournure si
inattendue, et dirais-je, si aimable, que j’en oubliai dans le chaud du

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