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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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congé de lui. Ma mission était donc achevée,
et j’eusse dû, selon les instances du cardinal, repartir pour La Rochelle le
jour même. Mais c’eût été ne plus revoir Madame de Brézolles au bec à bec, et
quand La Luthumière et moi-même rejoignîmes nos dames au salon, je dis, comme
en passant, que je ne repartirais que l’après-demain, ce qui permit à ma belle
de me faire porter le lendemain aux matines un billet pour m’inviter à dîner au
bec à bec, les La Luthumière de leur côté ayant été priés à une repue par un
ami qui vivait à Ligné, à quelques lieues de Nantes.
    Madame de Brézolles devait être aussi « dolente »
que la veille, car notre repue fut prise dans le petit cabinet que j’ai dit. La
chère fut tout aussi bonne, mais nous n’en fîmes que des bouchées distraites,
aspirant à d’autres joies, sachant toutefois qu’il s’y mêlerait une sourde
mélancolie, puisque je devrais départir le lendemain, à la pique du jour, pour
le camp de La Rochelle. Et du diantre si je savais combien de temps durerait ce
triste éloignement, puisqu’il ne pourrait prendre fin qu’une fois La Rochelle
rendue au roi.
    Nos tumultes apaisés, je trouvai de nouvelles joies à
envisager ma belle, à lui parler ou ne lui parler point ; c’était tout du
même un enchantement que de l’envisager, à la lumière des bougies parfumées du
chevet, laquelle, passant à travers les courtines closes du baldaquin,
entourait sa belle face d’une lumière intime et douce.
    — J’ai le sentiment, dit-elle en se serrant contre moi,
qu’à nous deux nous ne formons qu’une personne, et qu’à votre départir, je ne
serai plus rien.
    — Plus rien ? dis-je. N’êtes-vous pas la mère de
mon fils dont j’entends le souffle léger ? N’êtes-vous pas aussi mon
amante, à qui j’ai juré ma foi ?
    — Cela est-il bien vrai ? dit-elle d’une voix qui
décelait quelque déquiétude. Vous savez que je vous ai dit à mon départir de
Brézolles que si vous me demandiez ma main, je vous la refuserais tout à
trac ?
    — Bien je me ramentois, M’amie, que j’ai requis de vous
la raison de cette méchantise, et vous m’avez répondu alors que je ne vous
aimais pas encore à votre suffisance. M’amie, oserais-je quérir de vous si
cette suffisance, ce jour d’hui, est atteinte ?
    — Pas tout à fait, Monsieur. Il faudrait, pour qu’elle
le soit, que de retour à Brézolles vous renonciez à cette Perrette qui, en mon
absence, charme vos nuits.
    Le coup fut rude. Ma fé ! m’apensai-je, bien fol
j’étais de penser que cette petite intrigue échapperait à la vigilance de
Madame de Bazimont, et qu’elle n’en ferait pas des contes à sa maîtresse.
    — Madame, dis-je au bout d’un moment, elle ne charmait
pas mes nuits, elle les soulageait.
    À peine avais-je prononcé ces mots que j’en éprouvais
quelque vergogne : je n’eusse pas dû rabaisser Perrette pour apaiser
Madame de Brézolles, d’autant que le mot « soulager », quoique
habile, n’était pas tout à plein véridique.
    — Le soulagement même est de trop, Monsieur, dit Madame
de Brézolles d’une voix douce et ferme. Je ne saurais être l’épouse fidèle d’un
gentilhomme qui ne le serait pas. En conséquence, mon ami, je vous supplie (sa
voix en prononçant ces mots se fit, en effet, tendre et impérieuse) de renoncer
à cette Perrette, à qui je servirai, de reste, une petite rente, dès qu’elle
aura quitté mon logis, ne lui voulant aucun mal pour avoir succombé à vos
séductions.
    — M’amie, dis-je, il sera fait selon vos désirs. Et
cela une fois accompli, sera-t-il fait de vous à moi selon les miens ?
    — Mon ami, dit-elle, en doutez-vous ? Je vous
épouserai plutôt cent fois qu’une, et je vous aimerai mille fois plus qu’aucune
autre femme le pourrait faire. Finissez cette affreuse guerre, mon ami, et
qu’alors des ailes vous poussent pour voler jusqu’à moi !
     
    *
    * *
     
    Le lendemain, à la pique du jour, je roulais à rudes cahots
dans ma carrosse sur les grands chemins de France, précédé par les
mousquetaires de Monsieur de Clérac, et suivi par les Suisses du capitaine
Hörner. Nicolas frétillait à mon côté à l’idée de retrouver, il est vrai au
bout de six jours et six nuits, sa belle et jeune épouse, et moi, l’œil clos
pour ne point qu’il osât me parler en son frétillement, je tombai dans un grand
pensement de Madame de Brézolles qui, de toute

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