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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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belle ne me crût pas assez
impertinent pour penser que mon titre de duc me donnait davantage droit à sa
main. D’un autre côté, je n’étais point aveugle assez pour ne point discerner
qu’elle serait ravie d’être duchesse et, qui plus est, de savoir que son fils,
même si l’adoption n’était pas, comme dans la Rome antique, dans nos mœurs,
recevrait de moi d’immenses avantages dès l’aurore de sa vie.
    — Monsieur d’Orbieu, asseyez-vous, me dit le cardinal
dès que Charpentier m’eut introduit chez lui. Vous voilà duc et pair !
Récompense, celle-là, bien méritée ! (Allusion se peut au défunt Luynes,
qui n’avait dû son prodigieux avancement qu’aux seuls agréments de sa
personne.) Duc, dites-le-moi sans déguiser le moins : n’avez-vous pas cru
que Louis avait oublié la promesse qu’il vous fit il y a un an quand l’île de
Ré fut délivrée ?
    — Éminence, je ne l’ai pas cru, je l’ai craint…
    — Et vous eûtes bien tort ! Louis n’oublie jamais
rien, ni le méfait, ni le bienfait. Mais dans la punition comme dans la
récompense, il aime retarder les effets de sa colère ou de son contentement.
Pour les méchants, il leur fait si longtemps attendre le coup qu’il doit leur
assener que la veille du jour de leur arrestation ils se croient déjà
pardonnés. (Allusion cette fois tout à fait claire aux frères Vendôme.) En ce
qui vous concerne, il ne vous a lanterné que pour attendre une occasion de vous
avancer dans l’ordre de la noblesse, et cette occasion, l’arrivée des trois
ducs – endormis jusque-là dans les délices de Capoue – la lui a
fournie. Et foi de gentilhomme, quel beau coup de moine ce fut ! Et comme
j’eusse voulu être là quand il commanda aux ouvriers de la onzième heure
d’embrasser l’ouvrier de la première heure, mêlant ainsi au blâme discret des
premiers la récompense du second. Venons-en maintenant à nos affaires, poursuivit
Richelieu après un silence. La guerre gagnée, il faut meshui gagner la paix.
Avez-vous en votre dernière mission à Londres encontré Lord Montagu ?
    — Je l’ai encontré, en effet, chez My Lady Markby.
    — Qu’en êtes-vous apensé ?
    — C’est un homme souple, habile, plein d’esprit, et
envers les Français indubitablement amical.
    — Saviez-vous que nous l’avons arrêté il y a un an
alors qu’il traversait la France pour atteindre la Lorraine ?
    — Oui, Éminence, je le savais, mais j’ignorais
pourquoi.
    — Nous le soupçonnions de vouloir remuer la Lorraine
contre nous. Il fut donc arrêté, mis en Bastille, et après nous être saisi de
ses papiers – lesquels nous confortèrent en nos soupçons – nous ne
laissâmes pas cependant de le traiter avec beaucoup d’égards et de le relâcher,
Louis préférant voir en lui un ambassadeur plutôt qu’un agent secret, ce qu’il
était aussi indéniablement. Or, il se trouve que Lord Lindsey nous envoie ce
même Lord Montagu pour traiter de la paix. Nous aimerions que, sachant si bien
l’anglais et connaissant l’homme, vous soyez pour lui un sage et amical mentor,
le recevant aussi bien que possible à Brézolles et lui faisant visiter le camp
et la digue. Il va sans dire que le roi le recevra. Moi aussi, mais ce ne sera
peut-être pas le même accueil : le roi lui devra parler avec quelque
roideur, car nous savons ce qu’il vient quérir de nous. Et quant à moi,
conclut-il avec un demi-sourire, je le recevrai avec tant de miel qu’il ne
sentira plus la piqûre de la royale rebuffade. C’est pourquoi je vous recommande
à l’endroit de Lord Montagu les égards que j’ai dits.
    Je n’avais jamais vu, ni ouï, un Richelieu si enjoué, si
confiant et si heureux. Et certes, il avait de quoi l’être.
    L’éclatant succès du siège de La Rochelle était dans une
grande mesure le fruit de son labeur, de sa finesse, de sa persévérance. Quant
à Louis, s’il avait un moment faibli et abandonné le camp pour se rebiscouler
quelques semaines à Paris, néanmoins, de loin comme de près, il avait soutenu
son ministre avec une adamantine fermeté, mais aussi avec une affection qui, à
partir du siège de La Rochelle, s’ancra si bien dans son cœur qu’aucune
cabale – quelque effort qu’elle y fît dans la suite – ne la pût
jamais ébranler.
    — Duc, dit Richelieu, plaise à vous d’aller trouver
Charpentier qui vous dira le quand et le comment de la mission que vous

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