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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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me défis, avec son aide, de ma
vêture mouillée, devant des flammes hautes et crépitantes qui, rien qu’à les
voir, me chauffaient déjà le cœur. Une fois que je fus nu en ma natureté, Luc
me sécha puis me frotta à l’arrache-peau et m’aida à m’habiller d’habits secs,
encore tout parfumés de la lavande que, sur l’ordre de Madame de Brézolles, le
domestique mettait dans les coffres à habits de nos chambres. J’eusse,
assurément, préféré recevoir tous ces soins des mains d’une Jeannette ou de
Louison. Pourtant, il n’y avait rien à redire aux attentions véritablement
maternelles et touchantes dont Luc m’entourait.
    Cette douceur chez ce valet étonnait et d’autant plus que
son physique ne l’annonçait en aucune manière, l’homme étant trapu, noir de
poil, de peau, le front petit, le nez gros, la mâchoire carrée, une voix forte
et rude dont il tâchait en vain d’atténuer l’éclat en la baissant jusqu’au
murmure.
    — Monsieur le Comte, souffla-t-il dans un sotto voce qui eût pu s’entendre à dix toises de là, Monsieur de Vignevieille a demandé
aux cuisines pour Monsieur votre père et vous-même une pinte de vin chaud.
    — Que voilà, dis-je, une aimable pensée ! Veux-tu
dire à Monsieur de Vignevieille que je l’en remercie et que je le prie de me
faire la grâce d’ajouter une autre pinte pour Monsieur de La Surie et Monsieur
de Clérac, et quand le vin sera là, Luc, prie ces Messieurs de me venir visiter
céans, afin que nous puissions nous régaler ensemble, ayant été ensemble à la
peine.
    — Monsieur le Comte, dit Luc d’une voix qu’il croyait
basse, peux-je vous demander quels sont ces Messieurs que vous désirez recevoir
céans ?
    — Ne les connais-tu pas ? Monsieur de Siorac,
Monsieur de La Surie et Monsieur de Clérac.
    — Je vous remercie, Monsieur le Comte, dit Luc avec un
salut. Je vous avais donc bien entendu.
    Et avec un nouveau salut (monnaie dont il n’était pas
chiche), Luc se retira. Je m’avisai alors, non sans m’en ébaudir en mon for,
que son hésitation à m’entendre venait sans doute de ce qu’il se demandait si
Monsieur de Clérac, étant noble mais sans titre et, qui pis est, écuyer
recevant des gages, avait bien sa place parmi nous. Peut-être pensait-il que sa
tâche était à peine supérieure à la sienne et se peut même, en quelque mesure,
inférieure, car si Nicolas avait le privilège de brosser ma jument, il avait,
lui, l’honneur de me bichonner. Ma fé ! m’apensai-je, ces valets de grande
maison sont quasiment aussi férus de préséance que les princes, les ducs et les
maréchaux.
    Je m’assis dans une chaire devant le feu, et tendis vers lui
mes jambes chaussées maintenant de bas secs et de souliers. J’envisageai tantôt
mes pauvres bottes couchées à plat, la gueule béant devant les flammes qui
finiraient par les sécher en profondeur, et tantôt les flammes elles-mêmes dont
la danse et les couleurs possèdent, comme on sait, cet étrange pouvoir de faire
prisonniers nos regards. De reste qu’il y avait-il à regarder d’autre ? La
nuit tombait et la pluie, au surplus, brouillait les vitres qu’elle toquait
avec tant de force que je me demandais si elle n’allait pas les rompre. Mais ce
n’était là qu’une petite peur sans conséquence que je me donnais, se peut pour
jouir davantage de l’instant présent. Pourtant, tout réchauffé et dispos en
tous mes membres que je fusse, le moins que je puisse dire, c’est que je ne me
sentais pas très heureux, tant l’entretien que nous venions d’avoir avec Bassompierre
m’avait chaffourré et par la distance qu’il avait mise entre nous, lui qui
avait été, pour mon père et moi, un si proche et si cher ami, et par la
dernière phrase qu’il avait prononcée, laquelle je ressassais sans cesse en ma
cervelle – véritable flèche du Parthe décochée au départir et qui, dès
lors qu’elle m’atteignait en ma dévotion au roi, m’avait plongé dans des
inquiétudes, des doutes et des soupçons qui ne peuvent se dire.
    Ils furent dits, pourtant, quelques minutes plus tard, ces
« Messieurs », y compris Nicolas, étant assis à dextre et à senestre
de moi, un gobelet de vin chaud à la main. L’entretien débuta par une petite
dispute un peu futile sur le langage, mon père affirmant que Bassompierre avait
dit : « Vous verrez que nous serons si fous que de prendre La
Rochelle », et La Surie opinant que la phrase

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