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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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réfléchir qu’ils se trouvaient déjà
encerclés sur terre et qu’ils le seraient un jour sur mer. D’après nos mouches,
ils ont accumulé une grande quantité de mousquets, de canons, de boulets et de
poudre, mais ils ont oublié l’essentiel : les viandes.
    — Nicolas, repris-je, comment Bassompierre a-t-il pris
l’annonce de notre visite ?
    — Il a ri.
    — Il a ri ?
    — Mais point du tout avec dépris et méchantise. Tout le
rebours.
    — Qu’a-t-il dit exactement ?
    — « Diantre ! Diantre ! s’est-il écrié.
Louis s’est ému à la parfin ! Il m’envoie sa grosse artillerie !
Siorac ! D’Orbieu ! Ceux-là, au moins, j’aurai plaisir à les
rencontrer ! Qu’ils viennent ! Mais qu’ils ne pensent pas que leur
artillerie va faire de gros trous dans ma redoute ! Ma décision est prise.
Je vais quitter ces lieux. On n’y fait rien qui vaille ! Et de reste, ces
pluies, ces marécages, ces vents glacés dérangent mes humeurs. »
Là-dessus, Monsieur le Comte, il m’a donné mon congé.
    — Qu’en pensez-vous, Monsieur mon père ? dis-je
quand Nicolas fut sorti de ma chambre.
    — Pour le dire tout à cru, c’est, à mon sentiment,
moins une querelle de préséance avec Angoulême qu’un mauvais vouloir à l’égard
du roi. Vous ramentevez-vous ce qu’il vous a dit en vos vertes années lors du
bal de la duchesse de Guise : « Je suis le paroissier de qui est le
curé » ? Il ne l’est plus. Il est de cœur meshui avec une autre
paroisse. Et celle-là a une odeur qui me déplaît.
    — Eh bien, dis-je, le moment est venu d’aller respirer
de plus près cette odeur. Notre nez nous dira si elle est véritablement
méphitique.
    Ce n’est pourtant pas d’un cœur bien léger que nous prîmes
le chemin de Chef de Baie, tant nous tourmentait l’idée que notre ami de jadis
et de toujours tissât meshui cette mauvaise laine que filaient à la Cour les
vertugadins diaboliques.
     
    *
    * *
     
    Bassompierre, bien qu’il jouât au mal content et qu’il se
plaignît de tout, se trouvait, à tout le moins, fort bien logé, quasiment à la
pointe de Chef de Baie dans une très belle demeure qui offrait de belles vues
sur l’océan. Quand nous fûmes admis en sa présence, il nous accueillit avec une
grande courtoisie à laquelle il ajouta, toutefois, un brin de distance et de
défiance.
    Il approchait alors de la cinquantaine, mais comme eût dit
mon père qui affectionnait les expressions bibliques, « il avait encore
beaucoup à se glorifier dans la chair », étant un fort beau cavalier,
mince, droit, l’épaule large, l’allure d’un homme qui s’est livré, sa vie
durant, à toutes sortes d’exercices physiques sans jamais abuser de la chère ni
du vin. Il avait six ans de moins qu’Angoulême, et paraissait cependant un peu
moins jeune que le duc, à qui son humeur insouciante et joueuse avait gardé un
visage lisse et bon enfant, alors que celui de Bassompierre, qui brillait de
plus d’esprit et de lumière, paraissait s’être creusé sous l’effet de ses
passions, dont l’orgueil et l’ambition n’étaient sans doute pas les moindres.
    Mon père m’avait dit, à Brézolles, qu’en sa jeunesse,
Bassompierre ne portait point cet air fier et mécontent qu’on lui voyait
meshui. Il s’était imprimé sur son visage au fur et à mesure de sa prodigieuse
ascension. Quant à La Surie, qui aimait gausser de tout, il prétendait que cet
air-là n’était pas venu à Bassompierre avec son maréchalat, mais depuis son
mariage avec ma demi-sœur. « Ma fé, disait-il, depuis qu’il a marié une
princesse, le galant croit que par contact et mélange il est lui-même devenu
prince ! »
    Bassompierre nous régala d’un gobelet de vin de Loire, et
prit aussitôt le commandement de l’entretien, ce qui me parut quelque peu disinvolto [26] , puisqu’il ne pouvait ignorer
que nous étions les messagers du roi.
    — Messieurs, dit-il, il me paraît inutile que nous
perdions notre temps en préambules. Je n’ignore pas pourquoi vous êtes céans,
quel accommodement vous cherchez avec moi, et sur l’ordre de qui. Plaise à vous
de me laisser vous dire, à la franquette, mon sentiment au regard de votre
mission.
    Là-dessus, il commença par nous tenir quasiment les mêmes
propos que nous avions déjà ouïs de la bouche de Monsieur de Schomberg :
étant maréchal de France, il ne pouvait commander en second. Dès lors que Sa
Majesté était

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