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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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advenue au camp, c’était à Elle et à Elle seule que la
lieutenance générale des armées était dévolue et non pas à Angoulême.
    Il ajouta, cependant, un argument de droit que son savoir,
qui était grand en tous domaines, lui inspira : « De reste, dit-il,
Angoulême a été nommé non par commission, mais par lettre de cachet, et
celle-ci étant temporaire, elle est à tout instant révocable. »
    — Le duc, dis-je, pourrait garder le titre sans
vraiment exercer l’emploi.
    — Ce serait une possibilité, dit Bassompierre avec un
petit brillement de l’œil. Et si le duc d’Angoulême s’en accommode, il fera
fort bien, car ses titres guerriers, que je le dise enfin, sont extrêmement
faibles. Il se paonne d’avoir porté les armes pendant quarante ans ! Mais
de ces quarante ans, il faut d’abord soustraire douze ans de Bastille où il ne
commanda qu’à ses belles…
    — Toutefois, dit mon père, il se battit sous
Henri IV à Arques, à Vitry et à Fontaine Française.
    — Comme vous-même, mon cher marquis, dit Bassompierre
avec un salut, et comme vous-même, fort vaillamment, mais en chevalier, et
point du tout en chef de guerre.
    — Toutefois, dis-je après sa sortie de Bastille, la
régente lui confia une armée, et plus tard, le roi aussi.
    — Mais qu’en fit-il ? Quelle victoire décisive
remporta-t-il ? De quelle ville importante s’est-il emparé ? Qu’il
nous montre donc le pied de la bête qu’il a prise !
    Il n’y avait rien là que de vrai. Et Schomberg, lors de ma
visite, en eût pu dire tout autant. Mais justement, il ne l’avait pas dit, et
rétrospectivement, je lui sus gré de cette réserve délicate, tant je trouvais
messéant chez Bassompierre ce déprisement d’Angoulême.
    — Monsieur le Maréchal, dis-je, je sais maintenant ce
que vous ne voulez pas. Mais je ne sais pas encore ce que vous désirez.
    — Le second découle du premier, dit Bassompierre. Je ne
veux pas d’Angoulême pour maître et si on me le veut imposer, je demanderai mon
congé au roi et retournerai sans me plaindre en Paris pour y faire le bourgeois,
et attendre de Sa Majesté un autre commandement.
    Ce langage me laissa béant. Il n’était plus celui d’un
serviteur du roi, mais de quelqu’un qui se croyait assez haut pour traiter avec
son souverain au lieu de lui obéir.
    Le sens des paroles que je venais d’ouïr me paraissait en
effet évident, même si Bassompierre le voilait en se posant en victime par un
peu convaincant stoïcisme. Il partirait, disait-il, « sans se
plaindre » alors que c’était justement ce qu’il n’avait cessé de faire depuis
le début. Et je n’aimais pas davantage la feinte bonhomie de son désir de faire
« en Paris le bourgeois ». Ce qui revenait à dire : « Voyez
comme on me traite ! Me voilà contraint de remettre l’épée au fourreau et
de vivre comme un faquin du Tiers-État ! »
    Il y avait là, s’adressant par mon truchement au roi, une
arrogance telle et si grande qu’elle me laissa sans voix. Je ne trouvai là rien
de commun non plus avec les éclats de Toiras, que son ire, sa verve et sa
piaffe portaient à des propos inconsidérés, prononcés dans le chaud du moment,
oubliés le lendemain. Bassompierre avait débité son discours froidement et
poliment, chaque mot étant pesé dans les fines balances d’un homme rompu dans
l’art diplomatique de laisser entendre beaucoup de choses sans les dire tout à
plat.
    Cependant, mon père, sentant que mon silence, en se
prolongeant, pouvait paraître désapprobateur et piquer Bassompierre, me donna
du coude et dit sotto voce  :
    — Eh bien ! Que faisons-nous maintenant ?
    Sur quoi, me réveillant de mon mutisme, je me tournai vers
Bassompierre et lui dis d’une voix qui, j’espère, ne trahissait pas
l’inquiétude où m’avait jeté son discours :
    — Monsieur le Maréchal, vous nous avez dit ce que vous
refusiez. Plaise à vous de nous dire maintenant ce qu’il faudrait faire pour
que vous n’alliez point faire le bourgeois en Paris, mais demeuriez céans parmi
nous.
    — Mon cher Comte, dit Bassompierre, je ne doute pas que
vous succédiez à merveille dans les missions que le roi vous confie. Vous
possédez la première qualité d’un homme d’esprit : vous savez quand un
« non » veut dire « peut-être » et quand un «  non »
veut dire « non ». Et cela m’encourage à vous parler sans fard. Voici
ce que je veux : avoir à

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