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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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au porteur, lequel déjà bandait fort ses muscles pour ne pas
succomber sous le poids. Là-dessus, le porteur marchait à petits pas branlants
sur les planches qu’on avait jetées sur le tronçon de digue déjà construit
jusqu’à deux autres « chargeurs » qui avaient, en fait, la mission de
décharger le contenu de la hotte et de placer les pierres à l’endroit précis
désigné par les maçons.
    — Il me semble, dit Nicolas sotto voce, que
j’aimerais mieux être chargeur que porteur.
    — Et vous n’y gagneriez rien, Monsieur l’Écuyer, dit
Thiriot. Un homme n’est jamais porteur plus de dix minutes. Après quoi, il
devient chargeur, et ainsi de suite. Le labeur est accompli par équipes de cinq
hommes : deux hommes pour charger, deux hommes pour décharger et un
porteur. Et ne croyez pas que la tâche du chargeur soit si facile ! Les
pierres sont lourdes et peu douces aux mains quand on les manie six heures de
suite.
    — Tous les soldats que je vois là, dis-je, sont
volontaires pour ce travail exténuant ?
    — Oui-da, Monsieur le Comte, dit Thiriot, tous
volontaires. Et vous voyez, nul ne répugne à se donner peine.
    — Il n’y a point de paresseux ici, dit Métezeau qui avait
encore sur le cœur la remarque du maréchal.
    — Sont-ils payés en sus ?
    — Oui-da ! Un mereau par hotte transportée.
    — Que vaut le mereau quand on le remet à
l’intendant ?
    — Un sol.
    — Dès lors, pourquoi ne leur donne-t-on pas tout aussi
bien un sol sonnant et trébuchant ?
    — Pour éviter les roberies, Monsieur le Comte. Un
mereau ne vaut rien, si le soldat n’est pas inscrit comme volontaire sur le
rollet des Intendants. Tant est que des mereaux robés aux travailleurs vous
mènent le robeur droit et court au gibet.
    — Y en eut-il ?
    — Deux ou trois. Jusqu’à ce que les robeurs eussent
compris que les roberies de mereaux ne pouvaient faillir d’être décloses.
    — Combien un soldat peut-il porter de hottes en six
heures de marée basse ?
    — Vingt. Jamais plus.
    — Et il reçoit, lors, vingt sols par jour ! Plus
sa solde de soldat qui est de dix sols ! Diantre ! Un demi-écu
quotidien ! Le voilà riche !
    — Oui-da, le voilà riche ! Mais à quel prix !
Grâce à un travail de forçat, exécuté dans le vent, la froidure et la pluie. Il
y a des façons plus douces, ajouta Thiriot, de s’enrichir dans ce monde où nous
sommes…
    Remarque qui eût valu à Thiriot, si Schomberg l’avait ouïe,
une sévère sourcillade, toute critique du train où allaient les choses en ce
royaume lui paraissant impie, puisque Louis en était le roi et puisque le roi
l’avait fait maréchal.
    — Monsieur le Comte, dit Métezeau, le ciel noircit
derechef. Une nouvelle bourrasque ne va pas tarder à fondre sur nous. Si vous
avez vu tout ce que vous vouliez voir, nous pourrions nous retirer dans la
baraque, où un vin chaud nous attend.
    J’acquiesçai et fus proprement suffoqué par la chaleur en
pénétrant dans la baraque, alors même que mes pieds et mes mains restaient de
glace. Schomberg était assis à la table, tournant le dos au poêle dont le
ronflement à lui seul était déjà fort confortant. Le maréchal tenait à deux
mains un gobelet auquel il buvait des petites goulées prudentes, tant sans
doute le vin chaud lui brûlait la langue.
    — Monsieur Métezeau, dis-je, après avoir bu moi-même le
confortant breuvage, me tromperais-je en disant que le tronçon qui part de la
digue de Chef de Baie n’est pas tout à fait en face de celui qui part de
Coureille ?
    — Monsieur le Comte, dit Métezeau, rien de plus vrai,
ni de plus voulu. Ce décalage fait partie du plan élaboré par Monsieur Thiriot
et moi-même. Les tronçons ne se terminent pas, en effet, en face l’un de
l’autre, ce qui rendra plus difficile le passage du goulet de trente toises qui
les sépare. Cette disposition va contraindre les vaisseaux qui, venant de la
mer, désirent entrer dans la baie, à faire un détour qui prendra la forme d’un
« s » : détour difficile, même par temps calme, car il faudra
changer très rapidement les amarres des voiles pour effectuer ce contournement
et il est douteux qu’un vaisseau de haut bord ait assez de place ni de temps,
ni une brise assez complaisante, pour exécuter une aussi délicate manœuvre et
pour l’exécuter sous le feu de nos canons.
    — Car la digue sera garnie de canons ?
    — Assurément, Monsieur le Comte. En

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