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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pertuis breton. Plaise donc à vous, Monsieur le Comte, de considérer la
digue comme une fortification immobile qui a pour fin d’appuyer et de
renforcer, par sa puissance de feu, une force mobile.
    Tout homme d’esprit que fut Monsieur Métezeau, ce langage
m’eût surpris dans sa bouche, si je n’y avais pas reconnu les façons de dire et
la pertinence du cardinal de Richelieu. Et quand Thiriot prit la parole, sa
réponse eut le même son.
    — Monsieur le Comte, dit-il, il y a une autre réponse à
votre question et je vous la donnerai à la franche marguerite. La digue –
sauf tempête gravissime – sera terminée dans six mois. Si l’Anglais
attaque avant qu’elle le soit, elle servira peu. Si l’Anglais attaque en mai,
elle servira prou. Or, Monsieur le Cardinal opine que le gouvernement anglais a
de si grands embarras d’argent qu’il ne pourra constituer une grande flotte
avant le printemps.
    — Merci, Messieurs, de votre patience à me répondre,
dis-je. Puis-je vous poser encore une question qui, si elle est la dernière,
n’est toutefois pas la moins importante : est-ce qu’une très violente tempête
peut détruire la digue, qu’elle soit ou non finie ?
    — Nous devons en courir le risque, dit Métezeau,
surtout pendant les mois d’hiver, et prier Dieu qu’il protège notre digue,
puisqu’elle peut seule donner la victoire au roi.
    Dans sa carrosse sur le chemin du retour, Schomberg me parut
plus malengroin que jamais. Il s’enfonça de prime dans un silence revêche dont
il ne saillit que pour me dire :
    — Quand il ne pleut pas à seaux, le roi est tous les
jours sur la digue. Il s’y enquiert de tout, il la connaît mieux que personne.
Il lui arrive même de travailler avec les maçons au placement des pierres
perdues. Et du diantre si je sais pourquoi il vous a confié la mission qui est
la vôtre ?
    — Monsieur le Maréchal, dis-je avec un sourire et une
pensée pour le pauvre Thiriot, critiquez-vous le roi ?
    — Nenni ! Nenni ! dit Schomberg qui, malgré
sa rude face, sa peau tannée, sa forte moustache et ses gros sourcils, eut
l’air tout soudain d’un petit écolier pris en faute. Je ne suis qu’un sot,
reprit-il, Sa Majesté sait ce qu’Elle fait.
    Cette humilité chez ce vieux serviteur du roi me toucha et,
l’ayant piqué, je pris le parti de verser un peu de baume sur la piqûre.
    — Monsieur le Maréchal, dis-je, ma remarque n’était que
badinerie. Il est naturel que vous vous inquiétiez de l’avenir de cette
entreprise, étant ce que vous êtes : un des piliers de l’État.
    Cette petite cuillerée de miel lui remit le cœur en place,
et il m’envisagea de façon plus amicale qu’il ne l’avait fait jusque-là. Tant
est qu’au bout d’un moment, il me dit d’un air hésitant :
    — Mon ami, il y a tant à dire sur cette diantre de
digue ! Et du contre et du pour. Et vous-même, qu’en pensez-vous ?
    Je levai les yeux au plafond de la carrosse – lequel
était virilement de cuir, et non de satin rose comme celui de la duchesse de
Guise –, secouai légèrement les épaules, ouvris et fermai les mains,
mimique qui indiquait l’incertaineté et amusa beaucoup Nicolas, assis en face
de moi, lequel Nicolas, à ouïr la question tant abrupte et naïve du maréchal, eut
un petit brillement de l’œil fort connivent, alors que son juvénile visage
demeurait, vis-à-vis du maréchal, attentif et respectueux.
    — Que vous répondre, Monsieur le Maréchal ? dis-je
à la parfin. J’ai jeté meshui dans la gibecière de ma mémoire tant de faits et
de détails qu’il va falloir que je trie et débrouille le tout et y réfléchisse
encore avant de me permettre d’avoir sur la digue une opinion dont Sa Majesté,
bien évidemment, doit avoir la primeur. Toutefois, dès qu’il l’aura connue, je
ne faillirai pas à vous en informer.
    C’était là une petite rebuffade, mais prononcée d’une
manière si amicale et une voix si polie qu’elle glissa sur le cuir du maréchal
sans du tout l’entamer. Et à Chef de Baie, sa carrosse une fois remisée, nous
nous séparâmes bons amis, non sans subir de sa part quelques brassées à
l’étouffade dont je me serais bien passé. Nous fumes heureux, Nicolas et moi,
de nous retrouver sur nos juments, encore que les pauvrettes ne pussent nous
garantir, elles, ni des orages, ni des éclaboussures, ni de la boue.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas, le visage ruisselant
de pluie, comment

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